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Interview

Anthony MARCIANO, réalisateur et scénariste -entre autres- de Play

- Bonjour Anthony
On ne connaît pas forcément ton parcours pro : peux-tu nous en dire plus ?

J'ai eu une première vie dans le monde du disque. J'ai d'abord été directeur artistique de la maison de disques BMG, puis directeur artistique de Sony Music, puis j'ai monté mon propre label avec 3 associés, MyMajorCompany, qui était le premier site participatif en France.

Parallèlement à ça, j'écrivais avec mon ami Max Boublil les sketches pour son futur premier spectacle, puis ses chansons, et nous tournions des clips que l'on mettait sur Youtube tous les premiers samedis du mois. C'est à cette époque que l'on s'est mis à écrire notre premier film, Les Gamins. Puis on a cherché un réalisateur, mais Chabat, qui a tout de suite accroché au film, m'a demandé de réaliser le film. Et ça a été le début de ma nouvelle vie.

 

- Ton film est dispo en VOD avant le délai légal : serais-tu pour un bouleversement de la chronologie des médias plus généralisé ? Rendre le film dispo dès lors qu'il passe sous les radars du box office ?

Je trouve ça évidemment intéressant d'être un peu plus en phase avec les nouveaux modes de consommation. Et d'avoir des catalogues récents disponibles chez soi, c'est très excitant. Je ne pense pas que ce soit un problème pour les salles. A l'époque, l'invention de la radio n'a pas arrêté ni la vente de disques (au contraire), ni la vente de journaux.

Pour avoir discuté avec pas mal d'exploitants de salles en France, le vrai problème se pose pour les plus petites salles, celles qui ne proposeront pas le film en première semaine, mais en quatrième ou en cinquième semaine. Ce sont elles qui vont se retrouver sanctionnées par ce timing resserré.

Malheureusement, il me semble que tout ça soit inévitable si l'on veut que la VOD puisse rester une source de financement pour les films de cinéma : un diffuseur paiera plus cher pour l'avoir plus tôt

 

- Certains pensent que les salles de cinéma seront, dans le futur, réservées aux films Art et Essai. Les blockbusters arriveront directement sur les Disney+, Netflix, Amazon et Cie. Tu en penses quoi ?

Je n'ai aucune idée d'où ça va. Tout ce que je sais c'est qu'on n'arrête pas un train en marche, donc je pense vain le combat salles / SVOD. Personnellement j'aime aller au cinéma parce que c'est une forme d'immersion sans pause, sans portable, sans lumière ; c'est aussi une sortie. Mais j'adore aussi regarder Marriage Story ou Uncut Gems chez moi. Donc j'imagine qu'il existera tous types de films au cinéma et tous types de films en SVOD aussi, les gens alterneront comme on alterne un dîner à la maison ou au resto. Reste la question du prix du billet, du financement et de la chronologie, qui orienteront pas mal les modes de consommation. J'ajouterais à cette liste une nouvelle donnée : la peur d'aller se mélanger aux autres dans une salle, avec la crise sanitaire que nous traversons.

 

 

- Play est un sacré défi technique ! C'est un choix qui s'est imposé tout de suite ? Comment l'as tu tourné ? J'imagine le casse-tête pour chef opérateur ?

Oui, le challenge technique est venu avec l'idée : je ne voulais pas une mise en scène classique qui aurait placé le spectateur à l'extérieur, en observateur ; je voulais utiliser la nostalgie comme vecteur principal, et pour cela le spectateur devait « vivre » l'époque pour la ressentir. Le procédé du caméscope coulait donc de source, et offrait aussi la possibilité de marquer les années avec l'évolution technique de ces caméras.

Il y a eu 6 mois de recherche et d'essais caméras. Nous avons essayé plusieurs caméscopes Hi8, DV, HD, ou encore des iPhones, afin de tester le rendu, mais aussi d'avoir des images de référence. Le film a finalement été tourné avec des caméras de cinéma (Red/Varicam) puis passé sur bande analogique, ce qui nous a permis de « doser », afin que le résultat soit digeste à l'écran.

 

- Impossible de ne pas se demander à qui appartiennent ces souvenirs ?

Ce sont les miens et ceux de Max Boublil, avec qui j'ai écrit le scénario. Quasiment tout est inspiré d'anecdotes personnelles. Mais en montrant le film, on s'est rendu compte que bon nombre de gens avaient vécu les mêmes choses.

 

- Le clin d'œil à La cité de la peur était-il dans le scénario original, avant l'arrivée de Chabat ?

Oui, c'était présent dès la première version. C'est un souvenir inoubliable pour moi, le jour où je suis sorti du cinéma avec mes potes après avoir vu La cité de la peur. J'avais jamais ri comme ça au cinéma, j'ai du retourner le voir pour découvrir les gags que j'avais manqué en riant.

 

 

- J'ai l'impression qu'on a une passion commune : L'ombre de Fight club plane sur le film, depuis les dialogues jusqu'à la musique ("Where is my mind"). Que représente ce film pour toi ?

C'est LE film qui a marqué notre génération et LA chanson qui l'a marquée aussi et qu'on jouait dès qu'on trouvait une guitare chez un pote. Ce film est dingue, en avance sur son temps. J'ai un goût particulier pour ces films noirs satiriques. American Beauty est un autre film de ce genre qui m'a vraiment marqué.

 

- La date de sortie de Play, en tout début d'année, est compliquée commercialement : des regrets à ce sujet ?

C'est toujours difficile de connaître les causes d'un petit score en salles. On peut se trouver toutes les raisons possibles, mais je crois qu'il y a là une équation dont personne n'a le secret.

Une sortie le premier janvier était un pari risqué; c'est un jour férié, lendemain de fête, il y avait une grosse inconnue là dessus. Mais je pense surtout que si on a manqué de spectateurs, c'est parce que les gens ne savaient pas trop ce qu'ils allaient voir. Notre bande annonce ? Notre affiche ? Aucun moyen de le savoir. Mais j'ai entendu 100 versions de la même histoire à ce sujet :)

 

- Trois films au compteur, trois films avec Max Boublil : mais pourquoi ? :-)

On a grandi dans ce métier ensemble, et on a toujours cherché les idées ensemble. La vérité est que Max est le meilleur partenaire d'écriture qui soit. Il est toujours prêt à bosser, hyper prolifique, hyper réactif; j'expose la scène, il me propose mille idées. Puis, pour répondre à la deuxième partie cachée de cette question (NDLR : Je respecte le travail fabuleux de cet acteur ; la question était vraiment innocente) : Max est très loin de l'image potache qu'on a de lui. Je pense qu'il paye pour quelques chansons en trop ou pour notre petite erreur de parcours (Robin des bois -NDLR : qui est pourtant loin d'être mauvais). C'est un gars hyper cultivé, brillant, plus drôle à un dîner que la plupart des humoristes, mais son problème c'est l'image que les gens ont de lui. C'est dommage. Pour un metteur en scène qui cherche de la générosité et de la sincérité, je ne connais pas de meilleur choix d'acteur en France. Pour nos futurs projets, on collabore sur certains en écriture, mais on va essayer de se diversifier un peu pour ne pas s'étouffer l'un l'autre. Donc on ne verra pas Max Boublil dans mon prochain film à priori.

 

- Question classique : quels sont tes derniers grands souvenirs en salle de cinéma ?

El Reino !!!
Les Miserables.
Joker.
La vie scolaire.

Et si on remonte un peu avant...
Enorme claque de Ready Player One et Call me by your name

 

- Un grand merci Anthony pour avoir pris le temps de répondre.