Petit budget, caméra légère et à
l'épaule, la réalisation se veut immersive alors
qu'elle est un peu fragile et empêche grandement au film
d'atteindre sa toute puissance. Ces zooms avant intempestifs
ont une portée très limitée sur nos émotions
et contribuent à nous tenir à distance d'un film
qui aurait mérité un point de vue plus fort, plus
habile : Ladj Ly devra encore faire ses preuves.
Tranche de vie de la Téci : et celle d'un nordiste qui
découvre ce monde de tensions, de violence et d'irrespect,
de fatigue et d'usure, où les règles sont différentes,
où la bavure n'est jamais très loin. Il redécouvre
son métier de flic et l'adaptation nécessaire
pour travailler dans un milieu plus hostile que jamais ; un
monde entre justice et loi de la rue où l'auteur se livre
à une étude des rapports de force entre voyous,
religieux et flics. De là découle un autre sentiment
de frustration : de ces personnages forts, joliment multiples,
on aurait tellement aimé les connaître plus en
avant, chacun d'entre eux, jusqu'au moindre second rôle.
On sent et on ressent jusque dans notre moelle que l'auteur
connaît son sujet sur le bout des doigts, il sait nous
le présenter avec force de détails et un vécutparfaitement
retranscrit. Il s'agit d'une vision réaliste, formidablement
immersive mais un peu mince dans sa scénarisation : plus
une déclaration d'amour à un quartier qu'un drame
solide, comme une formidable visite guidée via le regard
extérieur d'un bleu, témoignage sur cette extrême
pauvreté, cette violence des rapports qui ne demande
qu'à exploser, cet espèce de sentiment d'abandon
multilatéral dont il ne semble y avoir aucun remède.
Les Misérables dévoile toutefois
dans son ultime scène, climax extrêmment intense
de l'œuvre, ce cycle de violence dont on ne semble ne jamais
devoir s'extirper : étranglés que nous sommes
par sa violence et son désespoir, nous sommes projetté
dans une réalité amère.
Loin de la puissance de La haine, loin de nous
transporter, de nous révolter avec la même verve
et le même savoir-faire sur toute sa longeur, Les
misérables reste un témoignage essentiel.
Mais quelles solutions proposent-ils, si tant est que ce soit
son rôle ? La mise en exergue de l'intro et de la conclusion
permet d'entrevoir une lueur, si ce n'est d'espoir, tout au
moins d'optimisme.