A la vue première des divers trailers, des images de
ce héros de l'univers Marvel, souvent secondaire mais
néanmoins apprécié puisque l'un des plus
intéressants, j'avoue avoir été particulièrement
sceptique... Je ne m'attendais pas, alors, à l'angle
d'approche utilisé avec intelligence par le scénario
: ou comment faire un film de blaxploitation made in Hollywood.
Reprenons au début. C'est souvent la différence
-qui n'est parfois pas déférence- entre les comics
de mon enfance et le MCU qui me frise le poil ; dans ce cas
précis le lifting complet du Wakanda semblait devoir
être une espèce d'hérésie. Et en
fait elle s'avère non seulement salutaire mais qui plus
est perspicace et lucide, posé en symbole de l'Afrique
moderne dans un film étonnamment engagé et tout
aussi original. L'histoire, à travers ses personnages,
ses situations géo-politiques -même imaginaires-
et même ses petites phrases, jouera constamment sur la
vision arriérée de ce continent et de son peuple
que peuvent encore avoir les americano-européens, ex-colonisateurs,
présentement exploiteurs économiques. Dans Black
panther on nous présente une Afrique entre tradition
et modernité, confrontée aux enjeux de son ouverture
sur le monde, face à l'exploitation de ses richesses
par des étrangers, consciente de son triste passé,
de la situation souvent peu enviable de son peuple à
travers le monde, bien décidée à redorer
son blason et son statut de berceau de l'humanité.
Et à tous ces titres ce film de super-héros n'est
pas comme les autres : son rythme est différent, même
dans une certaine forme de classicisme, les scènes d'action
jamais envahissantes, le propos solide et à double lecture.
Il suffit également d'observer comment sont traités
les bad guys, grande réussite du film à mon sens,
pour s'en convaincre. Le "blanc" n'est pas qu'un voleur,
il est le symbole de son peuple vis à vis de l'Afrique.
Le wakandais n'est pas seulement en lutte pour renverser le
pouvoir, comme souvent on se représente la politique
ce continent, où les gouvernements se déstabilisent
fréquemment : c'est un "méchant" vengeur
aux intentions idéologiques prononcées et claires,
quelque part compréhensibles plus que louables. A ce
titre il représente une espèce de Black Power
de l'ordre mondial ironiquement en lutte contre le... Black
panther. Une vision élargit d'une certaine lutte historique
qui opposa jadis Malcolm X et Martin Luther King. Un symbole
fort pour des personnages forts, traités avec profondeur
(et une part juste pour les héroïnes féminines)
et où d'autres thématiques font surface : les
erreurs passées qui pèsent lourdement et que l'on
fait payer à nos propres enfants.
Et toutes ces belles idées sont idéalement portées
par une oeuvre techniquement irréprochable : les designs
sont très recherchés et d'une grande beauté
(les décors somptueux -la ville notamment, dans ces différentes
strates-, les costumes magnifiques, le travail formidable apporté
aux objets technologiques) ; le film possède également
plein d'idées à revendre, jonglant une fois de
plus entre une certaine tradition africaine et une véritable
modernité (une fois de plus les costumes, l'armement
et les divers technologies). Toute la musique est d'ailleurs
empreinte de ce même respect. La réalisation ne
dénote jamais et se montre comme un vrai point fort :
maîtrisée sur toute la ligne, tant dans les scènes
dialoguées que dans la structure des scènes d'action,
l'alternance subtile de plans cut avec d'autres beaucoup plus
étendus. Il y a enfin des dialogues qui possèdent
ce petit quelque chose de plus recherché qu'usuellement
: ils sont globalement bien sentis (le message final est clairement
adressé au gouvernement US !) et l'utilisation assez
massive et respectueuse de la V.O. montre que le film sait prendre
quelques risques. De plus l'humour en général,
très légèrement présent puisque
le film n'est en rien une bouffonnerie, et tout particulièrement
celui d'un certain roi me rassure quand à la philosophie
de Marvel : pas de gags infantiles façon Thor (dernier
du nom) mais un humour sensé, et parfois un double sens
("Je vais manger tes enfants" est un clin d'oeil très
black power !!).
Black panther s'avère donc être
un film parfaitement équilibré, particulièrement
dépaysant, jamais ennuyeux, fin et d'une grande richesse
thématique et visuel. Que demande le peuple ??
NOTE : 17-18 / 20