On ne reviendra pas dans cette critique, ou subrepticement,
sur les éventuelles et surtout originelles distorsions
qu'il existe entre nos bons vieux comics découverts dans
les années 70 et la nouvelle mythologie, extrêmement
logique, que Marvel est en train de mettre en place exclusivement
pour le cinéma et dans un but évident de ne pas
être redondant. Il n'empêche que pour simple information
l'équipe de papier des premiers Vengeurs -comme on les
nommait en cette lointaine époque- comprenait Ant-man
et la Guêpe, certainement pas Captain America (arrivé
au bout de quelques numéros), que le S.H.I.E.L.D. n'avait
pas encore grand chose à voir avec leur histoire et que
le fameux manoir me manque déjà... Qu'importe
: qu'en est-il de la substance et surtout de la qualité
tant encensée de ce méga crossover ?
Je viens ni plus ni moins d'assister à l'archétype
du film d'action "parfait" (mais la perfection est-elle
de ce monde ?), un film d'action d'un genre nouveau -nous y
reviendrons- assurément léger mais absolument
brillant dans son domaine, et totalement assumé. Dès
l'introduction, les toutes premières images dévoilées,
le scénario va droit au but, dans la directe continuité
des précédents films et notamment de Captain
America (tant pis pour ceux qui n'ont pas suivi, ils perdront
une partie de la saveur de cette oeuvre) et se permet de nous
surprendre sans nous laisser souffler. Et à partir de
là on a du mal à savoir par quel bout prendre
ce satané scénario : sans doute en évoquant
un humour jamais déplacé qui m'a autant déboussolé
que satisfait (pourtant on avait l'habitude avec Tony...), un
humour à se tenir le ventre, osant même de légères
boutades qui devaient être à la limite de la suppression
du montage final (le video game) ; le film reste sur la corde
raide mais ne sombre jamais, même lorsque celui-ci ose
un langage pseudo-scientifique qui parlera, chantera même,
aux oreilles de tous les fans.
Mais rentrons plutôt dans le vif du sujet : le gros, l'énorme
avantage du film est à n'en point douter de pouvoir se
concentrer autant sur les multiples personnages, si ce n'est
plus, comme on va le voir, que sur l'action. Car ces personnages
ont déjà été créés
auparavant, ils possèdent une personnalité, une
histoire complexe et, forcément, une présence
importante à l'écran dès que chacun d'entre
eux pointe le bout de son nez. Il ne reste plus qu'à
les faire évoluer, à leur permettre de poursuivre
leur route en regard de ce qui avait déjà été
développé ; chacun apportant, par leur rencontre
parfois explosive, une pierre à l'édifice formidable
de ce film, l'équilibrant presque par miracle. Captain
America, un peu ringard dans son langage (très réussi
par ailleurs) mais dont l'héroïsme passé
apportera un vrai mental, une véritable réflexion
guerrière à ces montagnes de muscles, commençant
à se métamorphoser en un futur et emblématique
"chef des Vengeurs", donnant une leçon incroyable
au prétentieux T. Stark... Un Iron man égal à
lui-même puisque déjà héros de 2
oeuvres, un Thor dont le rôle reste assez central dans
l'histoire dans la mesure où il en est à l'origine,
et un Hulk qui, je trouve, reste un peu trop effacé malgré
son potentiel (je ne retrouverai donc jamais le Hulk
de A. Lee...), trouvant pourtant lui aussi sa place grâce
à... vous imaginez quoi ; bien que son visage, aussi
sublime soit-il, reste une petite hérésie. On
y retrouve avec plaisir un Loki jamais cabotin, sans pitié,
manipulateur, fin et imbu de sa personne (pas suffisamment effrayant
?). Il ne reste que la présentation plus en avant de
la Veuve noire, celle de Hawkeye et de leur relation. Vous brassez
tout cela et obtenez un film qui disserte finalement moins de
la guerre qui menace le monde (certaines scènes sont
par ailleurs assez et volontairement elliptiques à ce
sujet afin, sans nul doute, de facilité la fluidité
et la lisibilité littérale de l'oeuvre) que du
rassemblement de ces personnages, donnant au thème de
ce film un véritable ton indépendant, assemblant
autant les personnalités que les forces en présence.
A noter les dialogues particulièrement étudiés
et assez inhabituels dans ce type de production.
Ce qui nous empêchera nullement d'apprécier la
valeur du clash qui magnifie ce crossover : le choc entre Thor
et Iron man, celui entre Thor et Hulk (dont la conclusion en
forme de gimmick tient tout simplement du chef-d'oeuvre !),
les diverses tensions dûes au choc des personnalités
(on en revient encore à l'épaisseur des personnages)
; à hurler de bonheur, en bon fan qui se respecte. Et
puis il y a de l'action, poussée dans ses derniers retranchements,
jusqu'à son paroxysme, mais tout en restant parfaitement
intégrée à l'oeuvre. Pourrait-on lui reprocher
la simplicité de sa trame (l'éternel méchant
qui veut conquérir le monde) ? Non : car c'est tout d'abord
un évident et respectueux clin d'oeil au premier méchant
qu'eurent à affronter les Avengers dans leur première
aventure, cette trame est une fois de plus parfaitement intégrée
dans un assemblage complexe qui n'aurait peut-être pas
supporté trop de complexité en guise de toile
de fond et, ensuite, il faut rappeler que cette intrigue n'est
pas aussi rectiligne qu'elle le laisse supposer : Loki n'est
en rien le véritable bad guy du film (Mon Dieu quelle
scène post-générique : mais bien sûr
c'est lui qui veut le cube !!!!!) et la personnalité
ambigüe de Fury va jouer un rôle très important...
Je le répète : le sujet central du film, c'est
la création des Vengeurs, le reste n'est que décors.
Mais je crois que ce qui m'a le plus impressionné reste
la réalisation : car je ne m'attendais pas à autant
de talent. Bien au-delà de la joie de filmer de Whedon,
plaisir totalement communicatif que fait passer cet époustouflant
réalisateur -on n'est pas loin de la fascination-, c'est
bel et bien l'intelligence de ses plans qui saute aux yeux,
la finesse de ses choix, entre des contre-plongées totalement
maitrisées, une caméra qui fait vivre l'action
au-delà des effets spéciaux, des scènes
posées qui osent le jeu des différents plans et
des scènes amenées à devenir mythiques
: la première dispute des Avengers, qui va cimenter leur
union, filmée sans plan de coupe, dans un magnifique
traveling ou encore le faux plan-séquence de ces mêmes
Avengers en plein combat, un à un... j'en avais presque
les larmes aux yeux... Touche finale : une 3D pas forcément
toujours utile mais qui vous fera bondir de votre siège
dans la seconde moitié du film et une musique moyennement
inspirée, un peu passe-partout mais loin d'être
mauvaise puisque visant l'efficacité et y parvenant haut
la main.
Conclusion : une bombe de film survitaminé et intelligent,
sans vraies fausses notes, avec son lot de passage marquant
(Ah ! Ce traveling autour des Avengers enfin côte à
côte...) me permettant d'affirmer qu'il rejoint les Die
hard et autres Arme fatale au panthéon des plus grands
actioners de l'histoire du 7ème art. Il est clair que
pour la suite des évènements, puisque suite il
y aura et que celle-ci se risque à lui ressembler comme
deux gouttes d'eaux, il faudra épaissir la dramaturgie
et poursuivre encore plus loin le travail effectué sur
ces super-héros.
N.B. Le film supporte formidablement bien une seconde
vision : il défile tout aussi vite, les gags font tout
autant mouche, des scènes nous font trépigner
de bonheur (le plan séquence des Avengers est à
mourir de plaisir ! On attend les gags de Hulk comme le messie),
l'épaisseur des personnages prend toute sa saveur et
on assimile beaucoup mieux l'intrigue, pas si tirez par les
cheveux que ce que certains ont bien voulu l'affirmer ; les
dialogues sont effectivemment une vraie force dans le film (revoir
la scène où Loki est emprisonné et discute
avec Fury prend une toute autre dimension, je trouve, lorsqu'on
connait toute l'intrigue). Même la déception pour
Hulk s'estompe : en tous les cas Ruffalo est impeccable et colle
totalement au personnage. De plus, ce que j'avais omis de préciser
précédemment, je viens d'assister à un
film responsable et intelligent qui enterre des décennies
d'actionners stupides ne prenant jamais en compte les dommages
collatéraux (Cf. la séquence TV où les
new yorkais pleurent leurs morts). Dernière chose : cet
ensemble de films qui se recoupent et surtout se suive font
évidemment penser au fameux sérials des années
40, notamment "Captain America" avec D. Purcell ou
"Captain Marvel", réalisé par le spécialiste
J. English... toute une époque
!
N.B. 2 Revu Avengers, à l'aune de Endgame...
et ça reste le meilleur film du MCU, son petit chef-d'oeuvre.
Plus qu'une évolution, les personnages ont été
transformés complètement : c'est choquant de revoir
Thor... et Banner dont les personnalités sont radicalement
opposées.
La réalisation y est tellement plus fine et dense, immersive
et réfléchie ; voir les très judicieux
plans séquences ou plans longs. Voir les subtilités
comme les 2° de changement d'angle lors de l'appel de Tony
à sa belle (tient ?????). Ou comment, dans la rencontre
Natacha / Bruce, ce dernier passe de fugitif à héros
en quelques plans...
Peuplé de scènes somptueuses d'intelligence (celle
en Allemagne, forte), d'une vraie intensité dramatique
derrière l'humour et un scénario plus complexe
que le typique Good Vos Bad (le rôle ambigu de Fury, celui
malgré lui de Hawkeye ; jusqu'à Hulk). Pas le
même niveau de dialogues non plus.
Rien à jeter dans ce film tout à la gloire du
slogan des Vengeurs : Avengers Assemble.
NOTE : 17-18 / 20