"Ouvrir les portes de la perception" (A. Huxley)
: tel aurait pu être le fabuleux slogan du nouveau film
Marvel si... si la firme indépendante ne cherchait pas
de plus en plus à répondre à un véritable
cahier des charges (on va en reparler), où, dans le cas
présent, à ne pas faire ouvertement un "origin
movie" casse-gueule et plutôt se lancer à
corps perdu dans l'action, en faisant sans doute trop, trop
vite.
Car le thème qui traverse le film est pour le moins brillant
: voir au-delà des apparences, creuser par-delà
nos sens et, puisque l'on peut pousser ici le bouchon plus loin,
il met en parallèle la science, le concret (le docteur
égocentrique, riche et pure produit d'une société
qui ne croit plus qu'en ce qu'elle voit) et la "religion",
l'abstrait, cette croyance en quelque chose que l'on ne voit
pas au premier regard mais seulement après des efforts
et une certaine ouverture d'esprit. Mais aussi abandonner les
choses superflus et se recentrer sur l'essentiel : l'altruisme,
la spiritualité...
Voilà peut-être le film que j'espérais :
la remise en question du héros est ici prompt et assez
survolée. Et de cet état de fait on dénombre
de trop nombreuses -mais petites- scories scénaristiques
: des effets trop appuyés, des raccourcis pratiques,
des imprécisions, quelques flous. Un scénario
un peu léger où le méchant veut dominer
la Terre comme des milliers de méchants avant lui (le
thème de l'éternité n'est pas assez central
alors qu'il répondait parfaitement au sujet du film :
croire en ce qui ne peut nous être enlevé). Peut-être
que le bad guy introduit à la toute fin aurait suffit
à lui-même, laissant le film reposer sur tout autre
chose ?
Marvel a également tendance à transformer son
Stephen en Tony, alors qu'il n'a rien de très drôle
dans le comics, lui non plus, et c'est d'autant plus dommage
que l'humour du film est tout à fait réussi (le
code Wifi ou le gimmick autour des cris de surprises de la petite
amie du héros). Les acteurs tiennent parfaitement la
barre et il est fort à parier que, tout comme R. Downey
Jr, B. Cumberbatch aura du mal à se défaire de
ce personnage car il excelle ; mais Benedict n'est pas Robert...
L'hommage visuel à la BD est particulièrement
bien équilibré : flashy mais édulcoré,
les effets spéciaux sont étonnants et il est difficile
de ne pas prendre un énorme plaisir lors de l'exceptionnelle
dernière bataille tant elle est originale. La photographie
du film est par ailleurs un poids de marque, de même que
l'ambiance générale qui s'en dégage. Marvel
a toutefois cédé pas mal de terrain sur ce personnage
peu connu, à trop vouloir mesurer l'énorme prise
de risque du film, la société caresse dans le
sens du poil et de façon trop flagrante le grand public
; j'attendais une oeuvre plus aboutie et beaucoup plus fine.
NOTE : 12 / 20