Lucas a rendu son film universel et c'est de là qu'il
en tire toute sa puissance : comprendre la mythologie Star wars
c'est étudier le formidable livre de J. Campbell ; sans
cela, impossible d'en posséder toutes les clefs de lecture
mythologique.
Car La guerre des étoiles réunit
tous les suffrages : celui des historiens-politiciens, en préfigurant
les guerres passées, présentes et à venir,
en décorticant leur processus et en retirant leur aspect
héroïque, c'est-à-dire l'action et le suspense.
On oublie souvent certains dialogues mettant en lumière
un background politique puissant et lourd de sens. Le suffrage
des intellectuels, à peu près pour les mêmes
raisons, en insistant sur l'aspect psychologique, depuis dépassement
de soi-même jusqu'à la tentation du mal (développée
dans le 2nd volet). Le suffrage des cinéphiles qui y
trouveront tous les ingrédients d'un grand classique
dans sa trame dramatique et dans cet hommage aux vieux films
de guerre autant que de cape et d'épée : la musique
orchestrale, la lutte inégale du Bien contre le Mal,
l'assaut du "château" / du "fort",
ses dédales, sa prison, sa (fausse) princesse, les nombreux
actes héroïques
Mais également dans
le déroulement à volets d'une histoire qui mélange
les histoires, qui fait vibrer, rêver, rire, peur ; un
mélange propre, donc, à tous les genres cinématographiques
et à la vie elle-même, mais avec un petit plus
: le conte est improbable, imaginaire, fantaisiste et, donc,
divinement excitant et absolument envoûtant.
Toute la magie du 7ème art est là. Le film rallie
également le suffrage des techniciens, à la vue
d'effets spéciaux stupéfiants (la bataille finale
n'a pas trouvé d'équivalent au niveau "excitomètre"),
de maquillages qui ont simplement -et encore...- pris quelques
rides mais nous rappele à quel point l'on aime imaginer
l'apparence des extraterrestres avec des formes étranges,
exotiques, kitschs, sans nulles autres contraintes que celles
de l'imagination ; la Cantina représente le summum de
cette effervescence. Et puis ces soldats tout de blanc vétus
ne possèdent-il pas le plus profond charisme jamais vu
sur grand écran ?? De plus c'est un fabuleux pied-de-nez
au manichéisme infantile, celui dont on accuse parfois
et encore le film : sont-ils le Mal incarné où
seulement l'instrument d'un Mal bien plus... noir ?? N'a-t-on
pas envie de voir ce qui se cache derrière ces masques
impersonnels ? Qui, ayant découvert ce film avant la
sortie des autres opus, n'a pas eu l'irrésistible envie
de démasquer Darth Vador ? Même ces créatures
mues par ordinateur, rajoutées a posteriori dans une
version plus récente et respirant quelque peu les calculs
infographiques, ne donnent-elles pas à la ville une allure
inédite, complètement folle ? Les vaisseaux ne
laissent-ils pas béats, surtout lorsque l'on sait combien
ils me rappellent des souvenirs d'enfant ? Enfin, un salut bien
bas à l'artiste John Dykstra qui a fait de ce film une
uvre d'action encore jamais égalée grâce
à la fluidité de sa désormais célèbre
Dykstraflex.
Lucas joue plus les peintres que les réalisateurs de
cinéma, on a peut-être trop vite tendance à
l'oublier derrière cette inventivité scénaristique
et toutes ces trouvailles (une trop forte présence n'aurait-elle
pas nuit à l'ensemble ?), mais il sait porter son film
agréablement, à bout de bras, le fait vivre, bouger,
le composer de A à Z. Même les acteurs, qui n'étaient
rien, à part Cushing, nous font idéalement croire
en leur personnage. Ford écrase même un peu ses
complices ; son rôle l'exige dans ce 1er opus.
Bref, SW4 est chef-d'uvre dont on n'est
pas près d'oublier les labyrinthiques et dangereux couloirs
de l'Etoile Noire (tellement évocateur du mystère,
de tous les mystères depuis celui du Minotaure
),
les monstres multiples et tout aussi référentiels,
les combats allucinants délivrés de toute apesanteur,
les planètes fabuleuses dont on brûle de découvrir
la faune et la flore, les luttes fascinantes pour une liberté
universelle. Et n'oublions pas des dialogues cisellés
qui font littéralement vivre ces personnages et apportent
un humour des plus fins et réussis. Un film mythique
et complexe (les liens de parentés qui viennent embrouiller
les personnages sont dignes des plus grands auteurs dramatiques)
qui nous plonge dans l'univers et l'excitation de l'enfance,
dans un tableau possédant cependant une puissante et
brillante double lecture ; nous donnant envie de crever l'écran
pour combattre aux cotés de Skywalker, de vivre dans
cette partie de l'univers, loin, très loin d'ici.
NOTE : 19-20 / 20