Je vais voir ce film avec un ou deux a priori : un nouveau
et Xième Batman, avec de nouveaux traits ; des méchants
avec un air de déjà vu cinématographique
et l'héritage extrêmement lourd d'un certain C.
Nolan... Comprenez que je ne ne partais pas forcément
très enthousiaste.
Mais les premières images, montées au son de l'Ave
Maria de Schubert, me donnent d'emblée tort. Une ambiance
sombre et constamment humide, des lumières laissant des
traces jaunâtres, comme des tâches dans la nuit,
ainsi qu'une haute teneur en gris dans la photographie diurne.
On s'enfonce alors encore un peu plus dans les bas-fonds de
Gotham grâce à un visuel qui sert complètement
le propos de ce nouvel opus : l'étude des dépressions
de chacun des personnages. Il est, enfin, louable de retrouver,
après un Dark knight réaliste, les origines très
comics & papier glacé de notre héros de l'ombre.
Car The Batman est un film noir, un polar
sombre à tendance gothique, prenant la forme d'une enquête
à énigme ; oubliez le super-héros -le film
de super-héros même-, et regardez Bruce Wayne comme
un Philippe Marlowe torturé qui tente d'être le
héros dont personne ne semble vouloir, ne soignant finalement
que ses propres plaies. Et ce scénario policier devient
un sacré liant pour le film, celui-ci refusant les scènes
d'action par trop impressionnantes (cependant la poursuite automobile
restera dans les annales), travaillant au corps ses personnages,
ses situations et, surtout, épaississant sa trame, voir
sa mythologie. Et Wayne reste définitivement dans l'ombre
du vengeur masqué alors que de nouvelles révélations
sur son passé épaississent le propos : Pattinson
se fond à merveille avec le sombre personnage. Un scénario
à tiroirs pour un Batman qui retombe toutefois sur ses
pattes : le terrorisme étant une thématique récurrente
chez le justicier, pas forcément la meilleure des options
finales.
Car c'est également sa limite : pas si profond qu'il
veut bien nous le faire croire, le Riddler n'étant finalement
qu'un bad justicier souhaitant littéralement nettoyer
la ville de la corruption des plus puissants, tuer la gangrène
de Gotham, devenant une sorte de copycat de Jigsaw ; nettoyer
par le vide. Même si le personnage fascine et que P. Dano
lui donne tout son charisme. Politique, le film l'est, mais
cependant de manière bien moins prononcé que chez
Nolan.
The Batman est la lente exploration des recoins
ténébreux de l'âme humaine, jusqu'en sa
musique : Michael Giacchino s'est surpassé tant sa composition
est complexe, étudiée, embrassant nombre de registres
pour une efficacité jamais démentie.
On ne pourrait confondre Reeves et Fincher (pour qui ne s'arrête
pas à la pluie et à des tics photographiques ;
pas de noirceur irrémédiable ici, ni de puissance
morale vieille comme l'humanité) mais chaque plan de
ce film est une merveille de beauté, beauté forcément
ténébreuse, accentuant chaque effet du scénario
à l'aide du bon artifice.
Et quel magnifique image que celle de ce Batman guidant la population
dans le noir...
NOTE : 15-16 / 20