EDITORIAL
d'AOUT
La sortie de La ferme se rebelle est
une bonne occasion pour faire le point sur la place de la firme Disney
dans le monde très fermé de l'animation. Car, soyons franc,
depuis le premier long-métrage estampillé Disney en 1937
(Blanche-Neige et les sept nains ; 49
autres suivront) et jusqu'à très récemment
(une décennie environ), la firme aux grandes oreilles règne
sans partage sur la planète Cartoon, faute de concurrence digne
de ce nom (vous n'avez qu'à regarder le top
100 français des plus gros succès...17 films animés
y figurent, 17 films Disney).
Pourtant la résistance s'est organisée depuis ; tout d'abord
aux USA, même si le succès n'est pas toujours au rendez-vous,
le public a découvert dans les 70's une alternative au traditionnel
long-métrage Disney. En effet, le talent d'un certain Ralph
Bakshi s'est fait ressentir avec son Fritz le chat
(devenu culte, depuis) puis avec la première adaptation du Seigneur
des anneaux (30 millions de $ de recette). Mais depuis l'insuccès
de son Cool world, Bakshi
a disparu des écrans... Dans les 80's, la concurrence se fait
plus frontale : un ancien membre du staff Disney sort en solo et en
indépendant un certain Brisby
et le secret de Nimh qui, s'en avoir un succès retentissant,
sonnait la fin d'une époque : Mickey n'est plus seul... Don
Bluth, puisque c'est de lui qu'il s'agit, s'est taillé une
bonne réputation (Fievel a rapporté 47
millions et Le petit dinosaure 48) et a intégré
la société Amblin, dont le proprio, S.
Spielberg, allait bientôt faire parler de lui. Bluth finira,
après des revers, chez la Twentieth C. Fox (où
Anastasia ramena 58 millions)
avant de se vautrer avec Titans
A.E. Fin du premier épisode. La main passe à Spielberg,
l'homme qui va fonder Dreamworks (avec Jerry Katzenberg, ex-pdg
de Disney) qui, après quelques essais infructueux (Balto,
par exemple) se lancera dans la course au succès. Sa véritable
première bataille, il l'a livrera en 1998 avec la confrontation
Fourmiz / 1001
pattes, rattrapant son concurrent en terme de technique (le premier
long en image de synthèse est Toy
story en 1996) ; résultats les insectes de Steven rapportent
91 patates et ceux de Disney 163. Mais ces chiffres sont très
encourageants (surtout que la critique est de son côté...)
et symboliques. En ce qui concerne l'animation traditionnelle, Disney
voit arrivé une ribambelle de concurrents énergiques qui
lui font un peu d'ombre. Toujours chez Spielberg, en 1998, Le
prince d'Egypte passe la barre symbolique des 100 millions sur le
territoire national (alors qu'à la même époque Mulan
passe celles 200...) mais La
route d'Eldorado fera la moitié moins 2 ans plus tard (Kuzco,
pourtant un échec, culminera à 90 cette même année
2000). Dans un autre genre, les séries télé passent
au grand écran avec un certain succès : Beavis
et Butthead rapportent 63 millions de recettes, Les
razmokets 100 millions (le numéro 2 en fera 76), les
Pokemons 86 (le second 43),
South Park 52 et Jimmy
Neutron 81. Des scores très honorables. Revenonsà
nouveau sur la guerre des "images de synthèses" ; l'année
2001 voit l'arrivée d'un nouveau concurrent : la Fox.
Son Age de glace bat des
records pour un film non estampillé Disney : 176 millions de
$ aux USA ! Pourtant Monstres
et Cie lui dame quand même le pion avec plus de 250 millions
de billets verts... et c'est alors que les efforts paient enfin ; toujours
en 2001, Dreamworks sort sur les écrans un certains Shrek
qui va finir par battre Disney et ses monstres avec 267 patates de recette.
La tradition a la peau dure... mais s'en est fini ; pourtant les autres
essais ne prennent pas : Titans
A.E. ne rapportent que 22 millions et Final
fantasy 32 (avec un budget de 140 !). Alors il faut attendre 2004
pour voir l'expérience se renouveler : Le
monde de Nemo avait battu tous les records aux States (même
ceux du fameux Roi lion)
en 2003 avec 340 millions de billets... et le voilà qui se fait
atomiser par... Shrek 2 (actuellement
425 millions !). Sauf que Disney reste encore maitre sur le plan international...
Un autre phénomène est à même d'inquiéter
le géant du cartoon : l'arrivée de productions étrangères
de qualités. Les Pokemons
ont atteint des sommets sur le sol U.S. (86 M$) et, plus modestement,
Le voyage de Chihiro (10 M$) et Les triplettes
de Belleville (une co-production franco-canadienne, nominé
aux oscars qui rapportent 7M$) se sont taillés une bonne réputation.
Car l'animation étrangère est en plein boom : la France
s'est réveillée face au succès de Kirikou
(un seul cartoon made in France avait atteint le million de spectateur
: Le roi et l'oiseau en 1980) et de nombreux titres
tel que Le château
des singes, Kaena (premier long en image de synthèse),
Corto Maltese, Le chien, le général
et les oiseaux, La prophétie des grenouilles...
ont remplacé les très médiocres Tintin, Astérix
et autres Lucky Luke. Même phénomène au Japon, qui
s'attire toutes les convoitises internationales depuis le succès
de Akira, relayé par
ceux des oeuvres du maitre Miyazaki
et des oeuvres très ambitieuses comme Ghost
in the shell, Jin roh
ou Le tombeau des lucioles (auxquelles s'ajoutent des
valeurs sûres : Pokemons et Digimons
en tête). Deux nations aux ambitions affichées. Il n'y
a plus qu'au "reste du monde" à prouver sa valeur ;
l'Angleterre est déjà sur la voix grâce à
un certain Nick Park (créateur de
Wallace et Gromit ; de l'animation) qui a conquit les USA avec Chicken
run (100 millions de recettes !) en 2000... mais sous la bannière
U.S.. Quelques rares oeuvres ont émergé d'Italie (le réalisateur
Enzo d'Alo), d'Australie (Le gâteau
magique), d'Espagne (La
forêt enchantée), de Suède (Froggy et Charlie),
du Danemark (Gloups ! ou les
oeuvres d'Hastrup) et quelques autres
au succès encore peu probant.
Deux derniers points importants sont à aborder : le premier tient
au fait que l'animation traditionnelle chez Disney ne rapporte plus
assez (voir le tableau)
et tend à être sérieusement remplacée par
du "tout en synthèse" (en tous les cas majoritairement).
Une crise plus importante que celle traversée par la firme dans
les années 80, période fade qui fut suivie par l'instauration
de la politique du "1 film pas an"... abandonnée depuis
au profit de la rentabilité. L'autre point fort de Disney c'est
sa force à se regénérer en réutilisant sa
gloire passée (jusqu'à quand ?) : dans la liste des films
présentés en début d'article (ou ici...)
les suites de ses gros succès trouvent une place de choix sur
les rayons DVD / vidéo et les sorties de Peter Pan 2
et Le livre de la jungle 2 (tous deux chiffrés
à 20 petits millions de budgets) ont été des succès
totals : en France le premier à rapporté 11 millions d'euros
( 48 M$ aux USA et 120 dans le monde !) et le second plus de 20 ( 48
M$ / 136 !!!)... Disney n'est plus seul, mais personne ne les a encore
enterré...