Un film encore plus grand (gros) que nature... l'alchimie reste
absolument parfaite entre Tolkien et Jackson, comme si ces deux-là
s'étaient vraiment trouvés, post mortem bien sûr
: entre le fabuleux et dense matériau d'origine et le
talent teinté de respect d'un très grand metteur
en scène (sans oublier les scénaristes, dont F.
Walsh). Et rien à faire : la magie opère et s'empare
de nous irrémédiablement ! Mais n'est-ce pas que
de la simple poudre aux yeux ? Non : car tous les ingrédients
déjà présents dans la saga du Seigneur
des anneaux, et dans l'épisode précédent,
sont bel et bien là -même si cette fois on notera
quelques menus défauts-. Une aventure ambitieuse et gigantesque,
au-delà de nos propres rêves (si, si), presque
sans ennui, offrant des rebondissements savamment dosés
et un bel équilibre général. Une musique
qui nous transporte littéralement et semble sortir de
la Terre même de ce monde unique, retrouvant l'emphase
de la saga d'origine ; lyrique, à l'image de la somptueuse
partition qui nous emmène dans la fameuse ville. Les
paysages sont autant de toiles de maître sur lesquels
on rêve de s'arrêter, s'attarder sur chacun des
détails pour s'en délecter, paysages par-delà
lesquels on aimerait tant aller se balader ; un délice
pour les yeux que l'on aimerait tant explorer puisqu'il suggère
encore plus qu'il ne montre... on appelle cela "transporter
le spectateur".. Un fourmillement de personnages dont la
trame parvient même à en développer un maximum
(une histoire d'amour inter raciale ? Ca me plait ! Le personnage
de L. Evans est exceptionnel également) afin de les faire
vivre au mieux, dans le temps imparti, et nous permettre de
les suivre avec grand intérêt. Des créatures
aussi variées qu'excitantes, fascinantes et particulièrement
réussies, avec une mention spéciale à Smaug,
tant sur le design que sur le plan de l'animation, au gré
d'une scène finale un peu too much (le principal défaut
du film ?) mais franchement bluffante. Un réalisateur
qui possède une façon de filmer réellement
communicative, énergisante, éclatante, complètement
épique, usant de tous les artifices pour s'exprimer (contre-plongées,
mouvements étudiés, découpage des scènes
précis, presque maniéré...) et ainsi nous
transmettre cette excitation de l'aventure elle-même,
autant que son excitation à la filmer, à balader
sa caméra en l'a laissant virevolter dans ces scènes
immenses, ces décors hors normes qui nous ramène
aux fables ; un pur délice. Mais il n'y a bien que ce
gigantisme poussé parfois trop à l'extrême
qui m'ait gêné aux entournures : je pense en particulier
à la scène des tonneaux, surfaite et surjouée,
et à ces dizaines de poupées numériques
qui m'ont malencontreusement sorti la tête du film l'espace
d'un instant. Le "fond de commerce" du scénario
est certes un peu répétitif, mais ce combat du
Bien contre le Mal est tellement délicieusement amené
et mis en scène qu'il est vraiment difficile de ne pas
y succomber, d'autant plus qu'il a l'avantage de la continuité
et que sa construction typiquement parallèle (qu'utilise
abondamment Luca également) booste le récit ;
celui-ci manquant peut-être d'ambiguité (les nains...).
Jackson est un conteur et un montreur d'histoire hors pair,
une réalisateur qui a un sens inné du lyrisme,
un chef d'orchestre parfait pour ce qui reste un incroyable
travail d'équipe, une labeur à 250 M$ qui sait
malgré tout rester artisanale et profondément
sincère. Un objet magnifique pour les yeux que l'on aurait
grand tort de ne point mirer avec le plus grand intérêt,
histoire de se détendre brillamment.
NOTE : 15-16 / 20