Avis aux amateurs de critiques objectives : Ridley Scott a 
                  réalisé un très bon film. Car j’ai 
                  l’impression que nos critiques ont une vilaine manie : 
                  celle de descendre systématiquement toutes œuvres 
                  au méga-budget, surtout si celle-ci a été 
                  réalisée par un artiste de renom (le Dracula 
                  de Coppola a pas mal écopé). 
                  Scott a pris part à une aventure hollywoodienne avec 
                  matracage publicitaire, avantage de distribution et reconnaissance 
                  officielle (mais qu’est devenu le film de John Glenn… 
                  raté par ailleurs). Et il a réalisé un 
                  bel ouvrage. Mais pour les critiques et pour certains spectateurs 
                  le film est trop… américain, alors même que 
                  Scott est anglais et que l’on reconnaît sa griffe, 
                  celle de Blade runner, 
                  des duellistes notamment. 
                  
                  Le scénario est loin d'être mauvais : peut-on réellement 
                  reprocher au récit de laisser souvent place à 
                  l’imagination, de manquer de détails historiques 
                  tant bien même cette aventure est narrée par le 
                  fils de Colomb. Par ailleurs je n'ais mis en évidence 
                  aucun défaut dans sa construction, son agencement et 
                  son efficacité cinématographique (on parle de 
                  cinoche, là , hein ?), il est clair et intelligent et 
                  réussi le pari de nous intéresser alors que tout 
                  le monde connaît l’histoire par cœur. Il va 
                  même au-delà d'un simple récit chronologique 
                  : il étudie avec force de conviction tous les rapports 
                  de domination prévalant à cette époque 
                  : domination de l'église sur les païens / la science, 
                  celle les bourgeois sur les pauvres, des blancs sur les indiens, 
                  de la culture européenne sur les autres cultures. 1492 
                   est, enfin et essentiellement, un portrait, brossé, 
                  complet, celui de Christophe Colomb, depuis le père jusqu'au 
                  marin, en passant par le médiocre meneur d'hommes ; ayant 
                  perdu jusqu'au nom de sa découverte...
                  Que fallait-il faire ? Une thèse historique pompeuse, 
                  lourde et pas forcément au goût du public auquel 
                  se destine ce type de film ? Un exposé réalistico-théatral 
                  à la Rohmer ? Non, tous les détails sont là 
                  : fidélité à l’histoire, reconstitution 
                  indiscutablement réussei et internationalité du 
                  discours (production américano-française), mise 
                  au point sur certains aspect peu glorieux comme l’inquisition, 
                  la colonisation, la déculturisation, l’esclavagisme 
                  et la chute du héros… Ce film n’est que le 
                  point de vue de son auteur, et il est bien amené. Les 
                  critiques ont fait le même raffut à propos de J.F.K. 
                  : quoiqu’on pense de la thèse, il est difficile 
                  de nier que l’on ne voit pas passer les trois heures de 
                  métrage et que ces qualités formelles son exceptionnelles. 
                  Le cinéma n’a pas pour finalité de nous 
                  apprendre la vie, la politique où l’histoire mieux 
                  que quiconque, il ne fait que véhiculer des idées 
                  qui prêtent ou non à discussion ; et si discussion 
                  il y a, c’est bien qu’un intérêt pointe 
                  le bout de son nez. Oui : ce film ne mettra pas d’accord 
                  les millions de spectateurs qui assisterons à sa projection 
                  ; heureusement ! N'est-ce pas le propre des œuvres d’auteurs 
                  que de prêter à discussion ? Le cinéma est 
                  un art, pas un cours ; un spectacle, pas une leçon.
                  E t puis, enfin, rappelons qu’un film n’est pas 
                  uniquement composé d’un seul scénario, alors 
                  comment oublier la réalisation emphatique, griffée 
                  et totalement maîtrisée du maître ? Les plans 
                  soignés dans leurs moindres détails ? Comment 
                  oublier que l’argent dépensé dans ce métrage 
                  est présent dans chaque centimètre de l’écran 
                  ? Et n'oublions ni Depardieu, absolument fabuleux, ni Vangelis, 
                  qui nous transporte et nous transportera encore dans plusieurs 
                  générations.