La grande évasion onirique. Sucker punch est-il un navet,
une oeuvre partiellement réussie ou bien un concept-art
avant-gardiste ??? Pour certains se sera bel et bien un film
réussi, bien qu'épuré de tout ce qui peut
en faire sereinement une oeuvre du 7ème art, de sa moelle
épinière (trame et personnages complexes, dialogues
travaillés, profondeur d'un thème, clareté
du propos...) ; pour d'autres ce ne sera qu'un vidéoclip
MTV d'une heure et quarante minutes, pour les mêmes raisons
sus-citées, voir une comédie musicale new age.
Et pour moi ? Sorti d'un scénario clairement prétexte
puisqu'on plonge brutalement dans le domaine du rêve après
quelques minutes pas très convaincantes au niveau émotionnel,
trop speeds, sans que la réalité soit assez présente
pour qu'on se fonde au rêve, la trame restera minimaliste
au possible (une évasion par le rêve, un concept
qui est au coeur de l'oeuvre mais ne sera pas développé
thématiquement, scénaristiquement), les personnages
complètement filliformes (on ne saura d'eux que le strict
minimum, et encore... plutôt "clipesques" nos
fillettes sorties tout droit d'un manga), on n'y trouvera ni
second degré, ni réflexion approfondie, ni véritable
émotion ou suspens ou twist final (voir le Nota Bene
ci-dessous) ; et tout cela pour arrivé à quoi
? A un concept : une oeuvre minimaliste, un pur fantasme visuel,
non-sensique (les rêves sont effectivement le domaine
de l'anachronie chronique et jouissive), parfois presque surréaliste,
du délire formel où les décorateurs numériques
s'en sont donnés à coeur joie, une oeuvre pour
garçons à tendance geeks ou les scènes
de bastons sont de petits bijoux de folie. Et il en ressort
quoi de ce film ? Derrière ce visuel tapageur et complètement
assumé, cette b-o juke-box qui en agacera pas mal (mais
chaque chanson est très justement choisie) ? Un Snyder
en petit génie de l'art visuel, qui s'éclate comme
jamais avec sa (ses) caméras, invente, se réinvente
aux fil du métrage mais n'oublie jamais qu'il sert un
propos : ses plans ne sont pas forcément gratuit, il
suffit de suivre l'arrivée de Baby Doll dans l'hôpital
et l'entrée progressive de la caméra derrière
les barreaux, de regarder attentivement la dernière scène
de baston avec les robots, filmée de façon très
saccadée, presque mécanique... robotique, donc
; où encore le plan fabuleux où le beau-père
monnaie le passage de main avec Blue, avec le fameux visage
scindé en deux qui ne fait qu'écouter. De cette
mixture visuelle ressort une tonne de sensations, d'excitations
qui sont celles d'un cinéma différent, sensations
apportées par l'adjonction de la musique, du thème
du rêve, de la danse de Morphée, de ses pensées
qui sont les piliers de notre être réel et de la
réalisation de Snyder qui nous emporte irrémédiablement
avec lui, dans ce souci du moindre détail qui est un
peu sa marque de fabrique. Sans doute les scénaristes
auraient pu développer un peu plus ces personnages pour
qu'ils nous touchent, ne sentent pas l'émotion artificielle,
chiquée ; que ce soit eux qui viennent à nous
et non pas le contraire, qu'ils nous émeuvent lorsqu'ils
meurent plus qu'ils nous surprennent. Peut-être que le
concept du rêve, ses pouvoirs, ses implications dans le
réel aurait nécessité un vrai retour et
un approfondissement lors des scènes "hors du rêve".
Peut-être qu'il aurait fallu s'appuyer un peu plus sur
cette fin non conventionnelle, épaissir les imbrications
du rêve à la manière d'un Inception,
expliciter cet univers qui sort dont ne sait où et ne
s'appuie sur rien de concret : pourquoi la seconde guerre mondiale
? Pourquoi ces orques alors que l'on peut aisément comprendre
d'où vient le dragon, que la mort des zombies fait aisément
référence au tuyau percé ? Doit-on se foutre
complètement de telles questionnements ? Alors : est-ce
un navet aux mains d'un génie ? Ou tout simplement le
nouveau Sam Raimi (rappellez-vous d'Evil
dead et de son scénario anémique et dont toutes
les horreurs, les sensations passaient par le biais de la caméra)
? Je reste partagé : le film aurait dû être
assumé pleinement comme une oeuvre conceptuelle, sans
autre chichi, larmes, complexité résonnant de
façon factice ; du pur rêve cinématographique
qui ne fait pas semblant d'avouer d'autres motivations émotives
presque équivoques, d'autres ambitions profondes. Un
film qui s'agrippe à son message : évadez-vous
(par le biais de l'art ?) ! Pas fade, un peu faux... sur le
fil du rasoir.
NOTE : 13-14 / 20
N.B. (spoilers) : Une théorie sur internet veut
qu'il existe des liens très étroits entre Baby
Doll et Sweet Pea voir que ces deux personnages ne fassent qu'un
(plans ambigus, perruque équivoque, visage final caché
volontairement...etc). Je voulais tout simplement donner mon
point de vue sur la question. Car après une seconde vision
plus étudié je pense que cette interprétation
du film est éronée, qu'elle n'est qu'une façon,
louable, de s'approprier le film. En effet ils existent de sacrées
différences entre Baby et Sweet : l'une a des parents
décédés, l'autre non. Leur soeur respective
n'ont strictement rien en commun, et certainement pas physiquement
(simple lien psychologique... c'est un léger, non ?).
On ne connaitra jamais l'âge de Sweet alors qu'il devrait
être clairement de 20 ans, comme Baby. La perruque blonde
qu'arbore Sweet Pea est sensiblement la même que celle
que porte sa soeur (il n'y a donc pas de transmission de personnalité
entre S.P. et Baby Doll) et ne reflète réellement
qu'un vieux fantasme de mâle pour le spectacle qu'elles
vont jouer. Si ces deux personnages sont les mêmes, où
en tout les cas que Baby n'est qu'une projection mentale de
S.P., pourquoi cette dernière la rejette farouchement,
la jalouse et refuse même par deux fois l'échapatoire
proposé alors qu'au fond d'elle elle est sensé
le vouloir ? D'ailleurs c'est clairement Rocket qui prend en
charge Baby, cette dernière deviendra d'ailleurs également
son ange. D'autre part les deux filles co-existent et inter-agissent
parfaitement, l'ange du film est effectivement double (le vieux
du rêve qui guide Baby Doll et Baby Doll elle-même
qui aide les filles et en particulier Sweet Pea ; d'où
la pluralité de cet ange), la fin peut être lue
comme une rédemption plus qu'une libération de
l'âme puisque Baby n'a plus personne, n'étant pas
parvenu à sauver sa soeur, elle doit sauver quelqu'un
pour gagner son paradis, sa tranquilité d'âme avant
de partir ; ce que conforte Snyder dans toutes ses interviews
d'ailleurs. Comment, sinon, expliquer qu'une fille s'est échappé
réellement ? Sweet Pea ne survit que pour porter le message
de sa soeur à sa mère, un message d'espoir et
surtout de pardon ; Rocket est par ailleurs un personnage très
central dans le film. Mais ce n'est que mon point de vue...