La planète des singes : la rupture. Le seul défaut 
                  de ce dernier opus de l'une des meilleures trilogies du cinéma 
                  restera sans nulle doute son titre : suprématie, oui, 
                  mais non pas entre l'homme et le singe, mais bel et bien entre 
                  un homme et un singe ; comme un combat symbolisant à 
                  lui seul le combat supposé de chacune des espèces. 
                  Quand l'espèce suprême sent qu'elle va perdre sa 
                  domination absolue au profit d'une autre, la meilleure défense 
                  semble devoir être l'attaque. Et le film va tisser sa 
                  brillante toile scénaristique sur le thème fort 
                  qu'est la vengeance découlant de cette attaque ainsi 
                  que les liens qui unissent les espèces entre elles. La 
                  force passionnelle de l'oeuvre tient à la fois à 
                  l'humanisation physique et sensible encore plus poussée 
                  des singes (les visages simiesques sont de plus en plus troublants, 
                  l'adjonction d'une petite humaine est pleinement réussi) 
                  et à leurs réactions de plus en plus humanisées 
                  face aux diverses situations ; César semble basculer, 
                  verser dans la même haine que celle des humains et de 
                  feu Koba ("un singe ne tue pas un singe"), mais le 
                  leader haineux ne naîtra pas cette fois, sa mission est 
                  autre. Il y a dans ce film une véritable analyse de cette 
                  soif de vengeance, une vraie densité réflexive 
                  : le vengeur ne connait rien de l'histoire de sa victime, des 
                  raisons de son geste, chaque vengeance engendre de nouvelle 
                  histoire contrariées...etc. A ce titre la mort du leader 
                  est particulièrement somptueuse.
                  Le film est toujours diabalement connecté à l'histoire 
                  de notre propre humanité, tel un miroir que le scénario 
                  nous tend : le camp de travail en est le symbole ultime ; la 
                  bête humaine prête à anéantir tout 
                  une espèce en est le vecteur. Et dans ce cas précis 
                  le fou semble écrire l'avenir plutôt qu'il en a 
                  une véritable vision (il décrira un futur qui 
                  fait froid dans le dos... et pourtant tellement juste) : la 
                  haine appelant la haine, il précipitera son espèce 
                  dans les décombres de son Histoire. W. Harrelson tient 
                  son rôle à la perfection et il est une scène 
                  qui me reste en mémoire : lorsqu'un regard encore plus 
                  noir que ses lunettes de soleil se dévoile et qu'il dit 
                  que les yeux de César, face à lui et prisonnier, 
                  est... troublant. Tout est dit.
                  Des images sublimes, une composition musicale d'exception -entre 
                  marche simiesque et grandes envolées quasiment lyriques-, 
                  un scénario époustouflant en rebondissements et 
                  en intelligence, un A. Serkis passé maître absolu 
                  dans son art et, cette fois, une réalisation beaucoup 
                  mieux pensée, plus pointilleuse, et qui donne à 
                  l'oeuvre un bien meilleur rythme. On y ajoute une dose d'émotion 
                  nécessaire et jamais chiquée pour un film parfaitement 
                  équilibré.
                  Les liens se tissent subtilement entre ce dernier épisode 
                  et le 1er de la saga suivante (l'arrivée de Nova et Cornélius, 
                  l'apparition du mutisme chez les humains, les décors) 
                  mais il reste à raconter beaucoup de chose : la fin de 
                  règne de l'espèce humaine et son asservissement... 
                  et le sort de la pauvre statue de la liberté !
                NOTE : 17-18 / 20