Le plus sérieux des Godzilla.
Godzilla sort de terre : que va-t-il se passer ? Et la peur
nous prend d'assister à une nouvelle purge cinématographique
telle que celle assénée par Emmerich il y a quelques
années... mais au bout de 5 minutes on en prend plein
la figure, façon Spielberg (on plonge dans l'action tout
en découvrant l'univers du film), et après plus
d'une demi-heure on se rend compte qu'il s'agit d'un film de,
par et pour les cinéphiles tant le scénario et
la réalisation sortent du lot ; en partie tout du moins.
L'approche du sujet se fait avec une belle pointe d'originalité
même si on parait nous conter la bonne vieille histoire
du scientifique que personne ne croit (la partie "hommage"
du film, sans aucun doute) et l'oeuvre s'en trouve vraiment
passionnante malgré notre profonde connaissance du sujet
: les questions fusent, le scénario se dévoile
doucement et notre intérêt va croissant au gré
d'un scénario réellement pertinent. La construction
scénaristique est à ce titre exemplaire, hitchcockienne,
le héros passant la main au milieu du film, se démultipliant
: mais c'est également à ce niveau que le bas
blesse, hors-mis le papa scientifique vraiment attachant, les
personnages sont sous-développés pour nombre d'entre
eux, trop rapidement vus, notamment les second rôles (les
2 scientifiques japonais auraient mérité un autre
traitement, la femme du héros et son fils également).
Mais le film fait trop la part belle aux monstres, caressant
trop le matériau d'origine dans le sens des écailles
pour devoir lui reprocher ce manquement, et les monstres ne
font pas exactement ce que l'on attend d'eux, tout du moins
ce que le grand public attend d'eux dans ce type de film. C'est
un film catastrophe XXL, scotchant, époustouflant, un
peu épuisant, surprenant en tous cas, où la surenchère
est nécessaire à l'hommage : soit l'exact contraire
du film de Roland qui ne cherchait qu'à en mettre plein
la vue et américaniser le propos. Edwards est aussi performant
que sur son brillant Monsters : prodigieusement
efficace, son approche du plan est vraiment intéressante,
évitant à tout prix le montage "cut",
travaillant sur d'ambitieux mouvements de caméra pour
plus de majestuosité, de grâce et de puissance.
Un grand écart entre classicisme et modernisme des plus
réussis, un hommage au genre qui n'évite cependant
pas les écueils : aurait-il fallu plus de "modernité"
? Effacer les scories a priori volontaires du scénario
pour un film plus personnel ? Ne pas laisser sur le bord de
la route les "humains" ? Le design des monstres peut
également surprendre, mais les MUTO évoquent tour
à tour Mothra (scénaristiquement aussi), King
Ghidorah, et Gigan (design ?) : même si je n'y ai pas
forcément adhéré.
L'essence de Godzilla est retrouvée dans ce film immersif,
brillant et extrêmement respectueux : le dieu Zilla n'est
plus le monstre mais l'incarnation ultime de notre Mère
nature, celle vers qui il faudra un jour se tourner pour effacer
les aberrations créées par un homme se prenant
pour Dieu. Et Desplat effectue une fois de plus un boulot extraordinaire.
NOTE : 15-16 / 20