Interview Jean-Paul
SALOME, réalisateur et scénariste de La
daronne avec I. Huppert |
- Bonjour Jean-Paul Quand la décision a été prise la première
fois de décaler la sortie prévue au 25 mars alors que
c'était le début de la pandémie et que les cinémas
étaient encore ouverts, j'étais abasourdi, mais je respectais
la décision de Jean Labadie et de son équipe du Pacte.
L'avenir nous a malheureusement montré qu'ils avaient raison.
Ils ont pu ainsi arrêter presque tout avant que la campagne de
pub et la promo ne commencent vraiment et ainsi protéger le film. Pour ce qui est de la concurrence tout dépendra de quand les salles réouvriront et du calendrier de sortie des films US. C'est eux qui vont fixer le tempo et qui obligeront les autres (nous, films français) à s'organiser. Il faudra déjà voir ce qui se passe avec Tenet et Mulan dont les sorties sont à ce jour toujours prévues mi et fin juillet.
- Parle-nous justement de La daronne : qu'est-ce qui t'as poussé vers ce projet ? On m'a fait lire le livre de Hannelore Cayre que j'ai adoré. J'ai tout de suite senti le film que je pouvais en tirer. Et surtout vu l'opportunité de tourner avec Isabelle Huppert que j'avais revu pendant des voyages alors que j'étais président d'Unifrance. Nous voulions travailler ensemble. L'occasion s'est présentée avec ce livre.
- Est-ce que l'on dirige quelqu'un d'aussi expérimentée que I. Huppert ?? Oui. On la met en confiance. On fait une lecture approfondie du texte,
on choisit ensemble les costumes pour cerner le personnage... Chaque
matin, on se retrouvait au maquillage et on parlait de la journée,
on faisait les derniers ajustements de dialogues, elle me posait des
questions sur les scènes - rarement sur le personnage avec lequel
elle se sentait particulièrement à l'aise. Elle voulait
toujours être sûre que l'on comprenne les intentions de
la scène. Ensuite sur le plateau, c'était de la mise en
place, le travail de caméra, etc. Il n'y avait plus aucun problème
de texte. Jamais. C'était juste trouver le bon tempo de la scène.
Travailler le rythme du dialogue, des déplacements. Avec Isabelle
ça a été une vraie collaboration. Inoubliable.
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- Ton cinéma est riche de diversité : depuis quelque années la diversité de production dans le ciné français ne se voit guère au box-office, les comédies mainstream trustant les 1ères places du box-office. Ce n'est pas un problème ça ? Ça toujours été le cas. Les films avec les Charlots cartonnaient aussi dans le temps, sans parler des films de Bidasses ou du genre Mon curé chez les nudistes. Bon disons qu'aujourd'hui il y a beaucoup, beaucoup plus de films qu'avant, français et autres d'ailleurs. Et même si les entrées ont augmenté, l'offre est énorme. Et la curiosité des spectateurs est peut-être moins vive qu'avant. Mais il existe encore dans le cinéma français une vraie forme de diversité. C'est de plus en plus dur, mais ça existe encore.
- Les femmes sont souvent au centre de tes films : alors, envie de nous parler des César ? Je crois que la page est tournée et que la pandémie est passée en balayant tout sur son passage. Espérons qu'après certaines choses auront durablement changé, dont les César.
- Cette période de pandémie a permis de soulever nombre de questions : l'une d'entre elle est de savoir s'il faut bouleverser la chronologie des médias (pour les films qui seraient des échecs en salles par exemple) ? Quelques ajustements devraient être faits, mais je ne crois
pas au grand chambardement. Pour arriver à quoi au final ? Que
des films fragiles, des documentaires puissent arriver plus vite en
VOD, sur des plateformes, c'est sûr. Pour le reste, il faudrait
parfois faire plus confiance à ceux qui ont mis de l'argent dans
le film pour leur laisser le choix de trouver la meilleure chronologie
afin qu'ils récupèrent au mieux leurs investissements.
Et puis surtout, tant qu'on ne s'attaquera pas à la piraterie,
ça ne servira à rien d'essayer de changer les choses en
profondeur.
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- L'annulation sur le tard et pourtant évidente du Festival de Cannes en a laissé certains perplexes : un homme de cinéma comprend-il cette décision tardive ? Ce sont des passionnés qui s'occupent de Cannes. Heureusement qu'il en existe encore. Le cinéma en a besoin. Si on ne faisait que prendre en compte le quotidien et la réalité, où serait le rêve, la magie ? Ils ont essayé jusqu'au bout de nous faire rêver. Je trouve le geste assez beau. Maintenant, la raison a repris le dessus, bien obligé vu les circonstances. Mais ils cherchent encore quelque chose d'autre, d'inédit, de nouveau, pour redonner un peu de courage à tous les cinéastes et cinéphiles de la planète. Tant mieux.
- Netflix (et Disney+) est-il un danger pour le cinéma, poussant les spectateurs loin des salles ? On verra après, quand les salles rouvriront. Ça change
forcément la donne. Mais tout ça pour voir quoi franchement
? Pour les séries, je ne dis pas. Mais côté longs-métrages
? Qu'est-ce qu'on y gagne ? J'ai comme tout le monde profité
du confinement pour regarder quelques « originaux Netfix ».
On ne peut pas dire que ça croule d'originalité tout ça.
Ce sont de bonnes séries B, au mieux, ultra-formatées.
Sans parler évidemment des quelques coups d'éclats pour
leur image avec Roma, Mariage
Story ou le Scorsese par exemple (Irishman).
- C'est vrai que les séries TV ont le vent en poupe : pourquoi n'as-tu pas cédé aux sirènes ? Je tourne autour, mais rien encore de vraiment concret. Ça prend beaucoup de temps et j'ai déjà plusieurs projets pour le cinéma en développement. Je travaille de manière artisanale et j'essaie de ne pas trop me disperser. Mais j'y suis ouvert, parce que ce type de narration me semble intéressant.
- Puisqu'on parle de géants : le méga conglomérat Disney-Fox-Pixar-LucasFilm ne met-il pas en péril la diversité mondiale ? Oui. Ça favorise la standardisation. Tout ce qui sort de leur pipeline finit par se ressembler, c'est infernal. Enfin, moi, ça ne m'intéresse plus, surtout depuis leur cross-over... alors là, je n'y comprends plus rien, j'ai toujours l'impression de revoir le même film.
- Quels sont les auteurs que tu surveilles de près actuellement et quel est le dernier chef-d'oeuvre qui tu aies vu au cinéma ?. Le dernier chef d'oeuvre, le Almodovar à Cannes l'année
dernière (Douleur
et gloire). Magnifique. - Tous mes remerciements Jean-Paul, je sais que cette période a été particulièrement difficile.
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