INTERVIEW
de Hélène GIRAUD co-réalisatrice
de Minuscule 2 : Les mandibules du bout du monde |
Comment êtes-vous devenue réalisatrice de film d’animation ? J’ai eu une formation pour faire de la décoration de théâtre
et cinéma (ESAT) et après les études j’ai
travaillé 1 an comme designer sur le film Le 5eme élément
de Luc Besson.
A l’origine plutôt l’animation japonaise, Miyasaki,
Otomo, les films du studio Mindgame. J’adore la SF et le fantastique.
Bien sur Pixar a fait des merveilles. Le voleur et le cordonnier
de Richard Williams m’avait aussi beaucoup marqué. Quelles sont les forces du cinéma d’animation français face au géant américain ? En France, nous avons une très bonne culture de l’image, des écoles et des studios performants. Bien que très influencé par les productions américaines nous parvenons à sortir un peu des clous en proposant autre chose narrativement et visuellement. Les budgets sont néanmoins très bas comparés à ceux des américains ce qui nous limite dans le temps de fabrication. Par exemple les studios Pixar peuvent travailler 2 ans sur un script avec un développement graphique très poussé. Pour Moi moche et méchant (70 millions de dollars) le studio Universal n’hésitait pas à jeter à la poubelle des séquences finies car elles ne leur plaisaient pas et de les refaire complétement. Inimaginable quand on a un budget de 10 M€. |
La saison 1 était en 4/3, la saison 2 en 1/85. Après le joli succès du 1er tome, la mise en chantier de cet opus a-t-il été facile ? Oui et non. Il y’avait moins besoin de se battre pour faire comprendre
ce que nous voulions faire mais les financements ont été
plus long que prévu à se rassembler. Le tournage en Guadeloupe
et le parti pris de faire un tiers du film en full CG aurait nécessité
un peu plus d’argent dès le départ.
Le story board est au cœur de la fabrication. En effet nous partons
faire des repérages avec le board sous le bras. Si on ne trouve
pas exactement le décor qui est dessiné, nous nous adaptons
et modifions le board en fonction mais généralement on
finit toujours par trouver ce que l’on cherche. A part les petites bêtes, qu’est-ce qui a été « dessiné » dans Minuscule 2 ? Toutes les décors et maquettes ont été dessinés tel que l’intérieur du ventre du requin, l’épicerie et la salle des cartons ou encore le galion, chaque univers full CG a été d’abord créer en design de manière très précise telle que la scène de la tempête, l’antre de l’araignée multicolore, la coursive de l’aéroport, l’intérieur de la maison de poupée, l’intérieur de l’arbre à chenilles à la fin,...etc. Il y a eu plus de 6 mois de développement graphique. Minuscule c’est 10 millions de spectateurs dans le monde : est-ce le côté « cinéma muet » qui le rend si universel ? Cela aide en effet pour les traductions ;) mais je pense que cela vient
du fait que tout le monde connaît les insectes, ils sont universels.
Les thèmes abordés le sont aussi. |
Pourquoi il y a très souvent 2 réalisateurs derrière chaque film animé ?? Il y a eu plus de 200 personnes qui ont travaillé sur le film et tous les corps de métiers sont représentés dans un film comme Minuscule : des designers, une équipe de tournage de 30 personnes, des équipes déco pour les maquettes et les décors live, un studio d’animation, un studio rendu compo FX, une équipe son bruitage, un musicien,...etc. Etre deux nous permet de mieux gérer toutes ces parties et garder le cap sur le film que nous avons en tête. Cela ne nous empêche pas de nous consulter régulièrement. Les films d’animation nécessitent souvent la présence de 2 réal avec une répartition des taches précises. La question peut paraître naïve mais : 13 M€ de budget, ça représente quoi sur ce film ? La durée importante du travail sur le projet ? Cette somme se repartit sur toutes les parties citées précédemment : La phase de développement avec les designers, entre le studio The Yard qui a fait le rendu compo FX et le studio Supamonks qui a fait l’animation, les équipes de tournage et de déco, le son, la musique et l’étalonnage. Ça va vite !
Il faudrait poser la question au distributeur. Minuscule
est également familial mais vise un public également très
jeune, ce qui n’est pas le cas de Qu’est-ce qu’on
a encore fait au Bon Dieu. Est-ce qu’une carrière hollywoodienne comme celle de Pierre Coffin ça vous tenterait ? Pierre, que nous connaissons, a fait tous les Minions en France au studio Mac Guff, devenu Illumination, avec essentiellement des équipes françaises mais un financement et des méthodes à l’américaine. Son cas est particulier et assez unique. Nous ne serions pas contre une expérience outre atlantique mais il ne faut pas idéaliser non plus les méthodes de travail aux US. En France nous manquons de moyens mais faisons d’une certaine manière un travail très personnel. On écrit, on story board, on réalise. Je ne sais si on pourrait avoir ce contrôla sur des productions américaines. Vous êtes plutôt Miyazaki ou Pixar (C’est un clin d’œil à Là-haut que j’ai vu dans le film ?) ? Plutôt Miyasaki. Pour Là-haut c’est absolument involontaire. Les ballons gonflés à l’hélium étaient le seul moyen viable pour faire traverser le galion au-dessus de l’atlantique jusqu’aux Antilles !!! Question subsidiaire : quel a été le meilleur film 2018 ?? Je n’ai pas tout vu, pas eu le temps d’aller au cinema
mais j’ai beaucoup aimé La
forme de l’eau de Guillermo
del Toro, Au poste
de Quentin Dupieux et L'île
aux chiens de Wes anderson. Merci !
MERCI à vous, Hélène, de m'avoir consacré autant de temps |