Un remake solide qui ne souhaitait pas se mesurer à
la "boucherie Verhoeven" : grand bien lui en a pris.
Joli nettoyage du matériau d'origine qu'est ce film,
culotté même puisque c'est moins d'action ou d'une
dénonciation en règle de la violence que d'un
film cérébral dont il s'agit. Les scénaristes
relancent l'éternel débat science-fictionnel du
remplacement de l'homme par la machine, à des fins louables
de prime abord (faire régner l'ordre sans perte humaine)
mais aux conséquences lourdes : la déshumanisation,
la non réflexion, la non-intelligence. Un débat
frontal, pour le fun, mais qui possède des répercussion
dans bien des domaines actuels et pourrait être d'actualité
dès demain (les drones en sont les prémisses,
la pseudo-guerre propre aussi...). Un film centré autour
de l'hésitation latente entre la perfection et la réflexion
consciente, film à la fois sociologique et politique
où le personnage de G. Oldman est sans aucun doute le
plus réussi : il personnalise l'esprit du film, la tentation
et les remords, il est le docteur Frankenstein qui va se métamorphoser
au fur et à mesure, par défi envers lui-même,
va céder à la tentation ; pour que son travail,
sa création soit parfaite, aussi parfaite qu'une machine,
il va falloir en faire un nouveau genre de robot, déshumanisé,
un mensonge pour le peuple, à des fins politiques, et
pour sa famille, à des fins purement égoïstes...
Tiraillements sensibles et sensés pour un film fin, psychologiquement
marqué, touchant du bout des doigts l'aspect philosophique
de son sujet. Il est par ailleurs inintéressant de noter
que dans l'original le robot était décérébré
dès le début, alors qu'ici il l'est après
coup. Et derrière la caméra il y a de quoi être
grandement impressionné par le travail de Padilha : en
immersion totale, avec un sens inné de l'image, une grande
maîtrise à l'intérieur de chaque scène
et un travail formidable de mise en situation (voir la scène
du rêve de Murphy) ; bien aidé par un photo froide
et à l'avenant, pour un environnement hyper-crédible.
Il y a même ce genre de scène que l'on voit extrêmement
rarement au cinéma, qui vous marque à jamais,
tant par son contenu visuel que par ses implications psychologiques
qui font froid dans le dos : lorsque le docteur montre à
Murphy ce qu'il reste de lui : partagé entre le dégoût
et l'admiration, un choc certain. Une oeuvre cérébrale,
surprenante, assez profonde, recentrée sur l'humain et
non la surenchère visuelle (pas forcément réussi
d'ailleurs), mais auquel il manque bien deux ou trois choses
(finalement on ne voit pas assez la famille de Murphy pour que
l'émotion finisse par l'emporter) ; et le passage de
la chanson du Magicien d'Oz est un grand moment, tout comme
les interventions hallucinées de S. Jackson au gré
d'une émission bien plus ambigûe que l'originale...
NOTE : 13-14 / 20