Dark city est
bien plus qu'une enquête labyrinthique, véritable
puzzle démesuré, à l'image de la mémoire
vacillante du héros. Il se situe dans un monde vertigineux
dont les influences vont de
Metropolis
au cyberpunk en passant par le polar, les films noir américains
ou encore
Brazil.
Et d'une certaine manière il est le précurseur d'un
autre chef d'œuvre qui sortira quelques mois plus tard, avec
le succès que l'on connaît :
Matrix.
Les ambitions sont les mêmes, l'univers radicalement différent
; quoique...
Dark city nous conte les récits parallèles
d'un citoyen qui a perdu la mémoire et d'un flic qui enquête
sur des crimes pour le moins étranges, véritable
Marlowe projeté dans un monde science fictionnel, ucronique
et sans âge (bien que baigné par l'influence évidente
des Golden Years américaines). Le lien entre ces deux personnages
n'est autre qu'un groupe d'êtres à l'emprise saisissante.
Si le film nous prend directement aux tripes c'est grâce
à sa façon de manier l'art de l'ellipse à
la perfection ; le montage y est cinglant et brillant, le film
va à 300 à l'heure tout en maintenant un niveau
de réflexion élevé. C'est également
un film d'esthète, depuis ces décors qui n'en sont
pas moins des personnages à part entière du récit,
jusqu'aux couleurs sombres, grisâtres, ombres & nocturnes
qui prendront toutes leur saveur lors du final.
Sur la base d'une intrigue épaisse et aux possiblités
multiples, imbriquées dans une idée des plus originales,
le film nous captive par les incessantes questionnements qu'il
nous soumet. Mais bien au-delà du principe,
Dark
city possède l'ambition de disserter sur les notions
de destin, de mémoire, mais surtout sur celle d'humanité
: qu'est-ce qui fait de nous des êtres humains, uniques
et libres ? Nos souvenirs, notre passé, notre âme
? Qu'est-ce qui nous construit en tant qu'être et qui fait
de nous ce que nous sommes en un temps T ? Est-ce notre passif,
notre environnement qui nous détermine à ce que
nous sommes devenus, où encore notre personnalité
? La fin tend à prouver que nous ne sommes pas déterminés,
que nous maîtrisons notre vie, que nous avons le pouvoir
d'utiliser notre passé pour nous élever -en ne retenant
que ce qui nous est nécessaire-, que c'est là que
réside notre liberté, toute intérieure. En
intégrant la notion d'amour, sentiment qui ici défie
les lois de la temporalité et du choix, il donne un exemple
fascinant de la théorie qu'il développe. De ce fait
le film dispose d'un pouvoir d'évocation exceptionnel et
illimité.
Petit chef-d’œuvre aussi cauchemardesque qu’envoûtant,
aussi paranoïaque que l’histoire de cet homme qui recherche
qui il est au milieu d’une cité aux mensonges organisés,
qui recherche la vérité d’un monde qui n’a
sans doute jamais existé. L’apothéose mystique
finale me permet de dire que cette œuvre est un pure joyau
du 7ème art, aux teintes métaphysique hypnotisantes.