Une certaine vision de Disney couplée au biopic d'une
écrivaine unique. Merveilleuse surprise que ce Dans
l'ombre de Mary qui fait à la fois la part belle
aux personnages et brille par l'excellence d'un scénario
habile et surtout d'une prodigieuse intelligence. Car c'est
avant tout de la méconnue P.L. Travers dont le film parle,
une auteur (Mary Poppins) acariâtre au possible, vieille
fille endurcit ("en quelques sortes", elle n'a pas
d'enfant...) au caractère bien trempé, fière
comme Artaban, personnage d'où découle l'incroyable
humour pince-sans-rire du film, mais également l'émotion.
Et toute la saveur du film provient assurément de la
mise en parallèle, au propre comme au figuré,
avec son enfance en Australie, autant de pistes explicatives
du personnage adulte dont on pourrait en retirer une véritable
psychanalyse fouillée : ses drames, ses frustrations
déteignant sur son caractère et ses écrits,
ses rêves enfouis expiés dans ses oeuvres, le souvenir
ambigu d'un père complètement lunatique, plus
enclin à s'amuser et boire qu'à travailler, refusant
la morne banalité du monde des adultes, celui qui ne
tourne plus qu'autour de l'argent ; une espèce d'idéaliste
qui m'a touché au en plein coeur... Mais ce film fait
également la part belle aux autres personnages : à
Walt Disney, bien évidemment, un magna génial
aux visions aussi infantilisantes qu'extraordinairement meanstream,
possédant un regard, un univers qui ne manque pas de
parler à chacun d'entre nous, et possédant surtout
une aura prodigieuse. C'est enfin l'histoire de la création
d'une oeuvre, de la même manière que ce que l'on
a pu voir encore récemment dans Psychose,
sa complexe et douloureuse gestation ou le combat d'un auteur
défendant sa chère liberté artistique et
ses choix, apparemment aux antipodes des desseins du nabab,
la lutte pragmatique d'une créatrice intègre,
refusant ses rêves, contre le monde imaginaire d'un riche
génie. Ou comment apprendre que l'on peut conserver son
âme d'enfant, ses rêves, sans pour autant vendre
son âme au Diable. Et je crois que c'est exactement le
coeur du sujet : une magnifique réponse aux nombreux
détracteurs de la firme aux grandes oreilles, offrant
tout d'abord sa propre et brillante auto-critique du "monde
selon Disney", par le biais du regard acerbe de Pamela,
mais prouvant à qui veut bien l'entendre, bien évidemment,
que la firme n'a rien perdu de son exigence artistique ; une
réponse aux peurs soulevées par les rachats de
Marvel et Lucasfilm ? Peut-être... entre autres... En
tout il s'agit d'un film profondément stimulant (la gymnastique
passé / présent et les leçons que le spectateur
se doit d'en tirer pour sa compréhension des événemements),
réalisé avec une véritable élégance
et n'oubliant pas de s'attacher aux personnages secondaires
(le chauffeur notamment). N'oubliez pas de savourer le générique
final et ses enregistrements authentiques... Quant à
la polémique soulevée, je pense tout simplement
qu'il ne s'agit pas d'un biopic de Walt Disney et qu'elle est
hors sujet. Ce monde n'est effectivement qu'une gigantesque
illusion mon bon Walt...