Où ça, des super-héros ? Mais qu'ont-ils
fait avec les héros costumés de notre enfance
(70-80's) ??? Ce film est en quelque sorte une thèse
sur ces personnages hors du commun -pourquoi pas, il font partie
intégrante de la culture et on ne saurait y réfléchir
uniquement en se penchant sur notre seul nombril-, qui répond
aux questions suivantes : que serait le monde avec des êtres
extraordinaires pour nous protéger (des Dieux ? Non...)
? Et que serait ces êtres dans le monde des humains ?
Et bien le monde en question -une Amérique uchronique
où Nixon cumulerait les mandats de façon plus
ou moins légal- serait un monde de guerre où la
trop importante puissance d'une seule nation (les USA gagnent
même la guerre du Viet-Nam) pèserait sur la paix
collatéral avec le voisin communiste. Ces héros
seraient avant tout des humains, fait de chairs et d'os, faibles
derrière leurs pseudo-super-pouvoirs, avec leur passé
pesant et leurs déviances diverses (le Comédien
étant le plus abject des héros jamais vu sur un
écran et il pose une question essentielle : les héros
qui aiment l'Amérique, sont-ils forcément des
"gentils" ?!), des personnes habités par leur
propres démons, leur propre "méchant".
Le film est une parabole sur la violence intrinsèque
de l'humanité : la société pousse l'homme
-représenté par Rorschach- à la violence,
et Dieu ne semble pas exister ; théorie gauchiste s'il
en est. Chaque personnage est une représentation atypique
de l'humanité, vision pessimiste de l'auteur, à
la fois cynique (le Comédien), détachée
(Manhattan) ou haineuse (Rorschach). Cette galerie très
équilibrée de personnages occupe toute la première
partie -avec en filligramme une enquête policière
des plus passionnante- et nous fait découvrir des êtres
faibles, malades, violents, traumatisés et parfois en
proie à la folie pure ; des gens tellement proche de
l'espèce humaine qu'ils possèdent chacun une existence
sociale et même politique, un peu à la manière
des X-men, d'ailleurs. Les relations entre ces personnages forme
une vrai tissus social, très étudié, entre
amour et haine, amitié et relation subtiles (à
découvrir...) ; le twist sur la vie du Spectre Soyeux
et les liens qui l'unissent à Dr Manhattan (ceux-ci me
rappellent la relation entre Vision et la Sorcière Rouge).
Autre élément important : la réalité
alternative est assez excitante et permet une nouvelle vision
du monde très pertinante que l'on pourra interpréter
à loisir, comme étant une critique toujours moderne
d'une certaine Amérique.
La seconde partie, plus occupée à résoudre
le mystère, me paraitrait presque moins riche... jusqu'en
son final qui prêtera à moults interprétations
: jamais frontière entre Bien et Mal n'aura été
aussi floue (et c'est sans doute pour celà qu'une loi
interdit à ces êtres d'être ce qu'ils sont
vraiment, ils ne sont pas la police et, par conséquent
ne sont pas "le gouvernement"), jamais frontière
entre les hommes et les Dieux (enfin : les hommes qui se prennent
pour Dieu) n'aura été aussi fine ; le seul super-héros
"classique" du groupe n'est autre que Manhattan (pourtant
son "style" est inspiré par un fameux dessin
de Leonard de Vinci) : un scientifique bombardé de rayons,
qui acquière des pouvoirs extraordinaires. Car je crois
que c'est de celà qu'il s'agit (les nombreuses musiques
religieuse viennent infirmer ce thème) : un homme qui
s'accapare le pouvoir d'un sur-homme, quasiment égal
avec Dieu, pour faire le travail de ce dernier et redonner au
monde une paix illusoire et certainement temporaire ; on retrouve
l'idée de purification, celle de soigner le mal par le
mal (les eaux se refermant sur Moïse...) ; la scène
sur Mars, hautement métaphysique vous laissera sans doute
très songeur, des jours durant... Et le film baigne dans
une musique judicieusement choisie : la scène d'amour
et les tonitruants "Alleluia" vous arrachent des larmes
-beaucoup ont été interloqué par l'utilisation
de ce morceau pour cette scène : mais c'est le seul moment
de "communion" des personnages et le thème
de la religion (on va y revenir) est omniprésent de bout
en bout-, le All along the watchtower d'Hendrix résonne
étrangement...etc. Il baigne dans un univers visuel radicalement
différent de ce que Snyder nous avait offert avec 300,
un véritable patchwork des plus finement ciselé,
avec des couleurs et des choix de réalisation adaptées
à chaque scène et des plus soignées qui
rapproche ce réalisateur d'un S.
Kubrick ; il baigne dans des dialogues chiadés. La
violence y est aussi extrême que graphique et rien ne
nous sera épargné : tripes, impacts de balles
douloureux, explosions de corps, bras charcutés, tête
broyée... et pourtant le choc proviendra de tout autres
choses : des idées bassement humaines et abjectes, des
meurtres moins visuels qui nous font d'autant plus frémir...
Après moults visions, pensées et réflexions
à son sujet, j'en viens quand même à être
absolument persuadé que cette oeuvre parle avant toute
chose de religion : ce Dr Manhattan, ce dieu de substitution
que les hommes s'approprient (notammant Ozymandias), capable
de tout, est détourné de son "but premier",
un but de paix. Car ce dieu n'est finalement qu'une arme de
dissuasion massive, plus puissante que le nucléaire et
qui finira pourtant par choisir l'exil : comme pour nous faire
comprendre que la religion est réellement lié
au déterminisme, que Dieu se doit d'être à
la fois loin "physiquement" et proche, dans nos coeurs.
C'est aux hommes de choisir leur destin. Et cela n'empêche
en rien Son omniscience.
Alors cette oeuvre qui n'a rien d'un film grand public ne satisfera
sans aucun doute que peu d'entre nous : le récit très
saccadé où les flash-backs s'entortillent les
uns aux autres (comme dans la BD !) comme s'ils nécessitaient
un gros effort de mémoire ne conviendra pas aux adeptes
des oeuvres classiques, construites de façon linéaire,
le personnage "central" se pavanant entièrement
nu durant tout le film donnera des cheveux blancs aux censeurs
(pas une coupe aux USA !!!!), l'univers même du film,
qui ne ressemble à rien de connu, risque de déplaire
aux spectateurs habitués à être caressés
dans le sens du poil, ces faux héros auxquels on aura
du mal à s'identifier, ces personnages que l'on emmènera
pas forcément chez nous, risquent de perturber les adeptes
de bellâtres parfaits ; ce n'est pas du cinéma
didactique mais ce film est pourtant complet, jusqu'en son humour
très avenant quant au ton général de l'oeuvre
(la réplique culte de Rorschach, le finale de la scène
de sexe...etc). Et même sans évoquer l'adaptation
abominablement fidèle des encart animés du comics
(dans l'Ultimate Cut). Mais le rythme est suffisamment intense
pour se dire que la première vision ne suffira pas à
tout analyser, le scénario est tellement touffu et brillant
qu'il nous faudra une autre séance pour en apprécier
toute la saveur psychologique tourmentée, les images
sont tellement belles qu'ils nous faudra y retourner pour s'en
délecter à nouveau. Il nous faudra digérer
cette oeuvre compacte (et attendre la version longue !!) pour
pouvoir ressortir en totalité sa subtantifique moelle
et passer outre l'effet de surprise qui vous laisse une drôle
d'impression au sortir de la salle : un film qui dissèque
la recherche absolu et extrême du bonheur, un film désespéré
quant au devenir de l'espèce humaine et sa nature profonde.
Une claque. Les super-héros sont-ils définitivement
morts ?
Une phrase submerge, sur la fin, presque anodine dans le monde
pacifié des Watchmen -par la force, subsitutant Manhattan
/ Dieu aux bombes nucléaires- : "On ne va pas légitimer
des absurdités par voix de presse".
NOTE : 19-20 / 20
Différences BD / Film : ce récapitulatif -forcément
incomplet- n'est en rien une véritable critique, il s'attache
aux grandes lignes du récit, à partir du livre
originel (j'en suit la chronologie), et très peu aux
détails qu'une adaptation de cinéma ne pourra
jamais intégralement retranscrire avec précision
; je donne néanmons mon point de vue..; ATTENTION : méga-spoilers
!!! .
- 80 % du matériel d'origine se retrouve à l'écran.
- Le récit du marin sera apparemment dans la version
DVD ; et les commentaires du vendeur de livres (que l'on aperçoit
dans le film) ?
- L'histoire des personnages importants (dont M. Shea, scénariste
de comics) qui disparaissent ainsi que celle de l'ile ont disparu
du film ; la peur du comédien est plus difficile à
comprendre dans le film.
- La réalisation de Snyder épouse à la
perfection celle des 2 auteurs de la BD (le meurtre du Comédien,
etc..)
- Les nombreux effets flash-backs sont respectés, de
même que le rythme de livre, insufflé par le montage
; Snyder crée sa propre chronologie des évènements,
de façon plus cinématographique.
- Les mémoires d'Ollis ainsi que toutes les annotations
sur les autres personnages sont dispatchées dans le film
comme dans le livre (générique +¨flash-backs
et autres - l'interview de Veidt au début par exemple-)
mais rudement allégées par souci de durée..
logique !
- Les choix concernant la bo tiennent à la fois ses indications
de l'auteur de la BD (La chevauchée des Valkyrie, B.
Dylan...) et de son ressentir à sa lecture ; un aspect
à la fois respectueux et très personnel de l'oeuvre
en quelques sorte.
Le comédien regarde la TV lorsqu'il meurt, mais on ne
sait pas ce qu'il regarde : certaines scènes, l'émission
TV, ont été rajoutées dans le film afin
que l'on comprenne plus aisément le contexte géo-politique
(autre exemple : les scènes avec Nixon ont été
rallongées par Snyder et font sans doute écho
aux nombreuses coupures de journaux que l'on voit souvent dans
le livre).
- L'interrogatoire de Rorschach n'existe pas dans le film :
de toutes façons il fait chou blanc.
- En suprimant une scène avant l'émission TV du
Doc Manhattan, le retournement de situation fonctionne mieux
dans le film : on verra Janey Slater dans l'émission
et non plus avant, avec le journaliste.
- Les scènes de massacre au Viet-Nam, par Dr Manhattan,
sont moins chargées en gore que dans le film.
- Bubastis, le lynx génétiquement modifié,
nous est présenté avant, dans le livre, et n'arrive
pas comme un cheveu sur la soupe.
- La scène où un homme s'attaque à Ozymandias
a été rallongée inutilement, de nouveaux
personnages font leur apparition... Elle ne sert qu'à
introduire sa passion pour Alexandre le Grand.
- Une nouvelle scène a été supprimée
avant l'arrestation de Rorschach (celle de la délation),
Snyder augmente le suspens de cette dernière.
- L'ado qui agresse Rorschach se fait crever l'oeil à
l'aide d'une cigarette ; dans le film il ne reçoit qu'un
coup de poing dans le ventre (les dialogues ont été
incompréhensiblement transformés).
- La vie du Dr Malcolm Long n'est pas retranscrite mais on aperçoit
le docteur à la fin, quand la bombe explose, dans la
posture où on le trouve dans la BD.
- Le film ne répond pas à la question : D'où
vient le masque Rorschach ? (il fut découpé dans
une robe faite à partir du tissus du costume de Dr Manhattan)
; on se passe très bien de cette explication.
- Le violeur meurt brûlé vif dans le livre et non
pas avec le crâne ouvert ; pourquoi ce choix ? Plus trash
et en adéquation avec la mentalité de Rorschach
?
- Après l'incident du "lance-flammes", Snyder
a résumé le dialogue entre Dan et Laurie ; logique
:l'essentiel y est bel et bien présent.
- Les infos TV parlant de Rorschach ont été supprimés
de même que, à leur suite, le gala de charité
d'Adrian Veidt rediffusé à la TV a disparu de
la première scène de baiser entre Dan et Laurie
; mais on aperçoit l'affiche lors du 1er combat à
mains nues des 2 amants (comme dans le livre...).
(- Il est fait 2 fois allusion au meurtre de JFK... le sous-entendu
de l'éventuel complicité du Comédien est
présente (il était là avec Nixon ; pourquoi
?). Le film est plus clair à ce sujet !)
- La séquence d'incendie est différente : le feu
n'est qu'à moitié éteint par les canons
à eau du vaisseau et il n'y a aucune explosion à
la fin (N.B. : on aperçoit les fameux gobelets à
café dans le film !).
- Le coup de fil entre H. Mason (le "vieux" hibou)
et Sally (la "vieille" Spectre) a été
zappé à juste titre ; à quoi sert-il ?
- L'entreprise qui met D. Dreiberg sur la piste du tueur est
découverte par Rorschach dans le film (le journal de
Rorschach étant le film d'Arianne de l'adaptation, on
peut comprendre ce choix, qui ne change pas fondamentalement
le film).
- Les flics interrogent Dan après la scène de
l'incendie ; le rôle des flics étant un peu plus
développé dans le livre mais aurait allourdi le
film.
- Lawrence, le taulard menotté par Rorschach, meurt égorgé
à coup de cutter ; pourquoi ce changement ?
- Le Hibou et Rorschach sont poursuivis par la police après
l'évasion ; moment du livre coupé à juste
titre.
- On ne voit pas la mort d'H. Mason par des voyous ; peu d'intéret
dans le film... quoique...
- Dr Manhattan connait clairement la liaison de sa femme avec
Dan ; ce fait est sous-entendu lors de la scène de baiser
quand le docteur apparait soudainement.
- Rorschach prendra un costume de rechange à sa sortie
de prison ; la scène avec le docteur a été
inventée, sans doute pour accélérer le
rythme de la scène suivante.
- Les aéroscooters ont disparu du film de même
que la bulle tropicale ; trop chers ???
- Veidt raconte sa vie à ses "disciples" (et
celle de son modèle : Alexandre le grand) et non pas
au Hibou et à Rorschach ; ses motivations sont plus claires.
- On nous épargne les scènes d'horreur, les charniers
et la folie finale... alors que les buildings n'ont en fait
pas été touché dans le livre. Quant à
l'explication ? On ne comprend pas la véritable raison
de l'explosion dans le film...
- Les explications pseudo-scientifiques de Veidt à la
fin, ont été zappées ; la compréhension
s'en fait ressentir, mais le film me parait plus "crédible".
- L'ultime discution entre Dan et Laurie, en Antartique, a été
supprimée ; la dernière scène du film est
suffisamment explicite à propos de leur futur à
tout deux.
- Laurie dévoile à sa mère qu'elle connait
son père uniquement lors de la dernière scène
; qu'importe la chronologie dans ce cas précis.
- Redford a été remplacé par Reagan !!!!
Une histoire d'amitié ?