Un film dédié à ceux qui n'aiment pas
les péplums... Et la première question qui nous
hante en entrant dans la salle est la suivante : est-ce seulement
un film esthétisant ? Réponse : NON. Preuves :
on remarquera tout d'abord une logique intrinsèque aux
couleurs utilisées ; l'ocre, l'orange, le brun (virant
presque au noir et rouge lorsque le drame s'intensifie) sont
utilisées lors des scènes violentes, symbolisant
l'idée de la guerre et du sang versé ; les tonalités
bleutées en lieu et place des scènes plus posées,
des scènes d'amour. A ce propos, lorsque Leonidas se
rend chez les Ephores, observés les tons de cette scène
: rouge à l'intérieur du temple (Leonidas partira
en guerre quoiqu'il arrive) et bleu à l'extérieur
(la paix règne encore). Esthétique, donc, mais
pas esthétisant : la photographie de ce film, les images
qui nous sont offertes, sont à mon avis une pure oeuvre
d'art, au sens noble du terme : les ombres projetées
le dispute à la lumière envahissante mais blême,
ces projections font foi de symboles, les paysages paisibles
et campagnards contrastes à merveille avec la brutalité
exagérée des batailles, les couleurs, les moindres
détails entrent dans une harmonie parfaite et ne nous
donnent qu'une envie : faire des pauses sur image pour admirer,
voir analyser ces véritables tableaux, ces merveilleuses
gravures cinématographiques (Léonidas mort). Certainement
ce qui s'est fait de mieux dans l'histoire du cinéma
!
Mais il y a autre chose : ce film rénove et fait renaître
de ses cendres un genre réputé fait de carton-pâte,
à la violence chiquée, hautement guindé,
rarement innovant par rapport à son histoire ; mais il
en garde les codes principaux : la royauté, les peuples
mis en danger par un tyran, la trahison, la guerre, les temples,
l'histoire grec et ses mythologies réunifiées.
Au travers d'un scénario et d'une réalisation
qui présentent pourtant quelques failles (qui n'anticipera
pas la mort du fils à cause d'un cadrage qui laisse trop
de place à l'arrière-plan ?), d'un rythme absolument
et diablement efficace, grâce à un véritable
soin apporté aux dialogues, le film nous narre l'histoire
d'un homme "libre" (comprendre : non-esclave) qui,
pour préserver cette liberté, ira à l'encontre
des traditions (pas de guerre durant la fête de Karnaia),
de la loi (l'ordre sans équivoque des Ephores) et de
la religion (contre l'avis de l'oracle). Le tout en hommage
à la graphic novel de F. Miller, où la violence
le dispute à l'émotion, l'érotisme à
la bravoure, la liberté de ton à l'innovation
visuelle et technique (Cf. Sin City)
et, enfin, pour sied à la mythologie, où les créatures
de tout poils nous font joliment frémir.
Et puis il y a cette polémique politique, l'Iran se disant
outré par les propos du film... Et pourtant l'oeuvre
est historiquement très fidèle, le peuple guerrier
(royal et démocrate) Spartiate, qui tuait effectivement
les enfants difformes à leur naissance (jetés
dans les Apothétes), isolait leurs adolescents un an
durant avec comme seule arme un poignard, ce peuple fut en lutte
contre les envahisseurs et esclavagistes Perse lors de la bataille
des Thermopyles. Les Spartiates furent prévenus de leur
défaite par un devin, trahis (par Ephialtès de
Malia) ; la tempête essuyée par les Perses n'est
pas plus une invention.
Disons plutôt que si vous n'avez pas senti la Terre trembler
sous vos pieds, entendu les battements tonitruants de votre
propre coeur, c'est que vous n'êtes pas allé voir
ce film en salles... et vous ne l'avez tout simplement pas vu...
NOTE : 17-18 / 20