Un film de scénariste ?
Dans un futur moins hypothétique que métaphorique,
le temps a remplacé l'argent. Et ce principe hautement
intéressant aurait déjà mérité
une petite introduction afin de mettre le spectateur dans l'ambiance
un peu moins brutalement, afin d'expliciter les enjeux de départ
et d'approfondir la toile de fond, se lancer sur des bases plus
solides (pourquoi 25 ans ? Quand cela s'est-il produit ? Comment
s'y sont-ils pris ? Qui en a décidé ?...etc).
Car ce film, s'il est bon, aurait facilement pu être absolument
excellent ; avec une vingtaine de minutes supplémentaires
(pas cher payé en fait). Je m'explique : outre la mise
en situation un peu abyssale qui risque de laisser nombre de
personne sur la touche dès le départ, la scénarisation
est tout simplement épouvantable et indigne des talents
de son auteur : les transitions, quasiment toutes les transitions,
sont abruptes au possible, bâclées et donnent l'impression
que le film n'est fait que de scènes mises bout à
bout mais ne formant pas un ensemble uniforme, bien que cohérent,
les rebondissements scénaristiques sont extrêmement
mal maitrisés. Exemple : les fugitifs se planquent dans
un hôtel, un quidam totalement inconnu du public les repère
et, une scène plus tard, celui-ci se fait miraculeusement
arréter par le bad guy... de même les attaques
de banques paraissent trop faciles car les scènes ne
sont pas développées un tant soit peu (où
trouvent-ils le camion, par exemple ?). Ainsi l'intrigue façon
"Robin des bois du futur" prend toute la place et
laisse quelques questions en suspens, des impasses scénaristiques,
des vides embarrassants. Voilà pour les mauvais points.
Mais le film est heureusement plus costaud sur le fond : si
le temps n'est que de l'argent, si la vie n'est que du temps,
alors la vie, notre vie, se résume à de l'argent
; Niccol propose une métaphore ambitieuse qui met en
exergüe la toute puissance du fric dans notre monde moderne,
sa place vitale dans l'économie et dans notre quotidien,
les fondements d'une société où seuls les
plus riches survivent. Plus de fric, plus d'air à respirer.
Le film propose un refrain anti-capitaliste assez osé
où l'on retrouve les schémas actuels de notre
monde moderne : des gens très riches / immortels qui
se gavent et des pauvres qui vivent au jour le jour (il serait
sans doute intéressant de revoir le film et remplacer
les termes temporels -minutes, jour, mois- par le mot "argent"),
des ghettos fermés avec leur "soupe" populaire,
leurs caïds, leur violence, leur traffic. Même si
l'oeuvre repose sur un scénario fragile les personnages
sont bien developpés, le maitre du temps tout particulièrement
qui constitue une pierre angulaire du script, Niccol est efficace
derrière la caméra, l'action est maitrisée,
c'est visuellement impeccable.
Pas le meilleur film de son auteur mais une oeuvre réflexive
qui donne du grain à moudre longtemps après sa
projection.
NOTE : 12 / 20