Le film de l'année ? Le film de SF que l'on attendait
depuis longtemps des studios hollywoodiens ? Oui.
Et tout d'abord grâce à l'empreint évident
aux codes du cyberpunk : la haute technologie mêlée
à la crasse, où comment la société
ne profite pas de ses richesses intellectuelles pour faire évoluer
l'humanité ; Max qui y figure un héros du genre,
tout du moins au début, finalement anti-héros
égoïste ; Elysium en lieu et place de la multinationale
dirigeante ; les cyborgs. Post-cyberpunk pour les puristes.
Mais c'est surtout un film social futuriste, plus que politique
d'ailleurs, c'est-à-dire une oeuvre d'anticipation hyper
réaliste qui s'appuie sur notre propre réalité
pour construire un monde dystopique, loin des délires
plus aisément science-fictionnels de After
Earth, Oblivion et même
American nightmare
dont je met en doute la finesse du propos. Ici on n'évoque
deux thèmes : le gouffre de plus en plus marqué,
le fossé qui se creuse entre les plus riches (sur Elysium)
et les plus pauvres (sur Terre) ; puis la métaphore de
l'ascension sociale : le vieux concept de la cité verticale,
plus on est riche et plus on loge haut, a contrario plus on
est pauvre et plus au se rapproche du rez-de-chaussée.
Mais la différence ici, que dis-je, l'innovation, c'est
que le fossé est trop important pour être comblé
(le vide spatial). Ce film, ouvrier et "socialiste"
au premier sens du terme proposera une solution, une utopie
égalitaire beaucoup plus puissante que toutes les happy
end du cinéma. Dans Elysium la symbolique riches / pauvres
est forte et intelligente : j'en veux pour preuve cette ironie
qui veut que les plus faibles sociologiquement ne fasse rien
de mieux que construire leurs propres prisons, en tout cas la
police qui les met au pli dans cette société où
la liberté est un concept et où l'individu est
soumis à une véritable répression, ce qui
du point de vue du scénariste ne fait en rien progresser
la société, n'élimine en rien le crime.
Quant aux riches on nous les montre non seulement comme des
gens aimant le pouvoir, protégeant envers et contre tous
leur petite tranquillité, mais surtout comme des hypocrites
qui détiennent la clef du bonheur universel et refusent,
par jalousie, de la donner aux autres ; des êtres aux
mains propres, sans une goutte de sang qui entache leurs âmes,
qui vont jusqu'à faire exécuter leurs basses besognes
criminelles depuis la Terre, et non depuis Elysium, afin de
ne pas "polluer" leur paradis.
Et derrière tout cela il y a un autre film qui montre
qu'Hollywood a compris que la qualité d'une oeuvre se
trouve dans le concept de double lecture : car un film, aussi
intelligent soit-il, s'il n'est vu par personne puisque trop
opaque, ne sert à rien et ne sert surtout pas l'intéret
de son auteur. Ici la "patte" Blompkamp est palpable
dans le moindre recoin de l'image, de la photo brute de décoffrage
jusqu'en cette réalisation solide et habile. Le scénario
est soufflant : évolutif, logique, d'une fluidité
totale, il est un enchaînement parfait, un engrenage qui
entraîne le spectateur sans mal aucun. Les effets spéciaux
sont là pour servir le propos : complètement intégrés
et d'une parfaite réussite. La musique a l'intelligence
d'être aussi discrète qu'efficace, signe de grandeur
à mon sens, et elle sait se montrer au gré d'envolée
lyrique aux moments les plus propices. M. Damon est complètement
taillé pour le rôle et passe de Promised land à
Elysium avec une facilité et une aisance époustouflantes
: son personnage est par ailleurs un véritable fantasme
sur pied qui puise son inspiration organico-robotique dans les
mangas et rappelle un certain Tetsuo.
Une oeuvre à l'atmosphère proche des plus réussis
des Mad Max, évitant sans mal aucun le statut de vulgaire
série B : ici la richesse des détails dans les
décors n'a pas son pareil et la mythologie visuelle développée
est très attirante ; l'oeuvre ne sera jamais consensuelle,
n'hésitant pas à déployer l'artillerie
lourde, mais jamais racoleuse, concernant la violence, le gore
et la crasse.
Un film parfait ? Certe non : on lui reprochera quelques facilités
et des séquences qui auraient mérité d'être
bien plus développées (une édition DVD
/ BR adéquate ?) car elles auraient gagné à
être moins speed ; et le film ne dure finalement pas assez
longtemps. Je crois que certains lui ont reproché son
final ! Pourtant celui-ci est d'une logique implacable : entre
la tradition qui a fait les grands jours du cinéma de
science-fiction et le thème même du film, il n'y
a absolument rien à redire ; Elysium parle d'un rêve,
d'abord de grandeur égoïste, puis d'égalité,
mais il se veut surtout un espoir pour notre monde miséreux.
Intelligemment naïf. Dans cette oeuvre exceptionnelle le
plus important c'est la toile de fond et il ne faut surtout
pas s'attacher à regarder seulement ce que les scénaristes
ont mis en place afin que le spectateur ne s'ennuie pas : l'action.
Un équilibre à mon sens proche d'une certaine
idée de la perfection.
NOTE : 17-18 / 20