(Analyse provenant d'un lecteur du roman)
                  L'essentiel et le principal : réussir pleinement l'adaptation 
                  des centaines de pages que compose le Livre 1 de "Dune", 
                  c'est de toute évidence retrouver l'essence littéraire 
                  et spirituelle de l'œuvre de F. Herbert. Et je peux dire 
                  qu'à la vision du Dune de D. Villeneuve 
                  j'ai eu l'impression persistante de feuilleter les pages du 
                  livre et de m'y projeter comme rarement j'ai pu le faire auparavent. 
                  Le scénariste, autant qu'artiste pictural, se l'ait approprié, 
                  intellectuellement et visuellement : au détour d'une 
                  image on semble même y retrouver des éléments 
                  graphiques de ses oeuvres précédentes, comme un 
                  coup de griffe, une signature.
                  Bien sûr on pourra toujours argumenter à loisir 
                  qu'il manque tel ou tel élément explicatif (le 
                  processus de récupération de l'eau des corps, 
                  les enjeux écologiques sur la planète, les Sardaukar, 
                  trop esquissés...etc) mais force est de constater que 
                  l'auteur a su retirer l'essence du roman -son épice oserais-je 
                  dire- : son atmosphère toute particulière, neurasthénique, 
                  tortueuse, massive et surtout hautement spirituelle, ses personnages 
                  finement dessinés, ses marqueurs dramatiques, ses enjeux 
                  subtils.
                  Dune  s'avère immédiatement être 
                  une oeuvre absolument grandiose, sublimement peinte par son 
                  réalisateur : chaque plan est une merveille pictural 
                  et tout se retrouve dans chacun des cadres, comme sur un tableau 
                  ; peut-être reprochera-t-on à Villeneuve, justement, 
                  de ne pas assez composer avec sa caméra. Il n'empêche 
                  que le plaisir des yeux est bel et bien là, dans chaque 
                  recoin de ce monument d'esthétisme usant d'une très 
                  large palette de couleurs et de tonalités se mariant 
                  à merveille avec l'humeur des personnages. Et puis je 
                  l'avoue : j'ai tremblé à la première vision 
                  d'un ver émergeant des dunes comme il le ferait d'un 
                  océan de sable, j'ai exulté à voir voler 
                  ces ornithoptères que j'avais imaginé à 
                  la lecture du roman.
                  Dune se trouve également être 
                  un blockbuster téméraire, à mille lieues 
                  d'un film d'action ou de science-fiction hollywoodien comme 
                  on le conçoit usuellement. Difficile de le rapprocher, 
                  le comparer à autre chose qu'à son matériau 
                  originel : sans commune mesure il est et restera avant toutes 
                  choses une expérience sensorielle unique ; expérience 
                  mettant en jeu tous les sens du spectateur. A chaque tableau 
                  répond la puissante, ambitieuse et complexe musique de 
                  H. Zimmer et le travail ébourriffant du son (oscarisable, 
                  forcément !). Chaque image semble délivrer cette 
                  odeur d'épice si bien mise en avant dans le livre. Dune 
                   reste une adaptation sans compromis, usant de la métaphysique 
                  pour faire avancer son récit en une véritable 
                  expérience de cinéma, sans doute bien au-delà 
                  des images elles-mêmes. J'avancerai même qu'il s'agit 
                  d'un objet nébuleux, une espèce de transe imagée 
                  qui n'est pas à même de plaire à tout le 
                  monde... Même si l'équilibre entre l'action et 
                  l'abstrait est pleinement atteint.
                  Et puis, enfin, il y a la toile de fond : après une première 
                  partie à la fois didactique, et pourtant tellement nécessaire 
                  à qui n'aurait pu se plonger dans la lecture du livre, 
                  après une moisson de personnages, on plonge à 
                  corps perdu dans cette joute politique, on touche du doigt les 
                  enjeux religieux capitaux, on saigne avec les victimes de cette 
                  guerre de pouvoir, cette guerre économique ravageuse, 
                  ce conflit typiquement coloniale qui prend en otage les civilisations 
                  locales et leur vole leurs biens.
                  C'est au final un film d'une très immense richesse, un 
                  opéra visuel chatoyant et unique qui n'a pas encore tout 
                  révélé, redoutable, transcendant et puissamment 
                  cinématographique, mettant en place une mythologie foisonnante 
                  qui mérite de multiples visions afin d'en capter tout 
                  les flux, toute la profondeur, tous les enjeux, toute la complexité 
                  : en attendant une seconde partie qui devrait encore hausser 
                  le ton ; psychologiquement, écologiquement et religieusement.