Film d'une formidable richesse qui brasse les genres, les messages
et les références dans un mélange oscillant
entre série B appliquée et film indépendant
de la Côte Est. Ca nous change des vagues de zombies et
autres oeuvres asceptisées made in Hollywood.
Le cadre : partant d'une fable écolo -avec ce vieux principe
science-fictionnel où le Terre fait des siennes- avec
un message politique limpide et doucement asséné
façon "anti-Trump" (les réfutations
de preuves scientifiques, une casquette à l'intitulé
moins hypocrite que le fameux "Make America great again"...),
le film n'a pourtant pas vocation d'être un brûlot
; simplement de faire passer un message aux spectateurs attentifs
en renouant avec la vague de zombies débutée à
la fin des années 60.
A travers la description jarmuschienne d'une communauté
US typique, le film nous offre une pelleté de dialogues
pesés et savoureux, tout aussi typiques et loin de l'écriture
formatée, à base de punchlines et de gags soulignés,
des blockbusters.
On sent une vraie liberté de ton et les acteurs en profitent
pour s'en donner à cœur joie, laissant libre cours
à leur talent, loin des écrans bleux contraignants
et autre storyboards muselants.
Jarmusch réussit son passage au film de genre : à
la fois grâce à une réalisation légère
mais toujours dans le ton (le passage dans le cadre de la voiture
de police pour nous présenter le village) et de part
un scénario à la fois profond (voir mon intro)
et intelligemment référentiel. Entre un humour
décapant (Rumsfeld !) et une façon brillante de
jongler avec une certaine forme de classicisme respectueux,
et principalement de déférence envers George A.
Romero. Sans pour autant singer le maître puisque Jarmusch
fait de son film une pure et joyeuse comédie horrifique.
Citons, entre autres, quelques clins d'oeil croustillants pour
s'en persuader : depuis la scène générique
avec le cimetierre jusqu'aux problèmes solaires et horaires,
en passant par ces foutus réflexes post-mortem de consommation
(directement inspirés de Zombie,
mais modernisés : les séries sur smartphones !),
la fameuse version 1968 de la Pontiac (date de sortie de La
nuit des morts-vivants) et le message originel et critique
envers le racisme de l'Amérique blanche. Sans oublier
les divers hommages à un certain Samuel M. Fuller (le
modèle absolu de l'anti-système), à Nosferatu
(premier zombie du 7ème art) et à tant d'autres
(celui de Star wars et les apartés hilarantes valent
leur pesant de cacahouètes).
N'oublions pas l'élément essentiel commun à
toutes les oeuvres de Jarmusch : une musique qui te prends aux
tripes, hypnotique et pas loin de devenir l'un des protagonistes
du film.
The dead don't die est un film qui impose
son rythme, délire communicatif qui s'en prend aux zombies
consuméristes et sans âmes que beaucoup d'entre
nous sont devenus, prêts à détruire leur
planète (où votez pour ceux qui contribueront
à sa destruction...) pour leurs seuls plaisirs futiles
et matériels. Ce n'est peut-être pas bouleversant
mais c'est très agréable, très riche, véritable
friandise pour cinéphiles et fantasticophiles.
Même si, parfois, le délire est carrément
poussif -mais assumé comme tel- comme la fin de cette
croque-mort, parfait mix entre Black Mamba (de Kill
Bill, dont la musique a été composé
par... RZA) et Michonne.
NOTE : 15-16 / 20