Damon Vs Driver Vs Comer.
Voyage au Moyen-âge : comme une signature, R. Scott nous
propose une oeuvre aux images sublimes et contrastées
ainsi qu'une reconstitution particulièrement soignée
pour nous plonger dans une époque souvent malmenée
par le 7ème art.
Le dernier duel est fascinant à bien
des niveaux, le premier, et non des moindres, est sans aucun
doute cette façon scrupuleuse d'explorer les nombreux
codes sociétaux de cette époque, ceux de la petite
noblesse, et surtout d'évoquer le misérable sort
des femmes, leur statut social et leur représentation.
Le scénario est d'une précision foudroyante, d'une
immense finesse et d'une intelligence rarissime.
En utilisant le principe d'une histoire à trois voix,
les scénaristes prenaient un risque, celui de ne pas
être assez rigoureux, voir trop laborieux ; pourtant le
résultat s'avère absolument brillant et d'une
formidable loquacité. A l'évidence du premier
récit -celui du mari- répond un tout autre point
de vue, impliquant d'autres éléments d'analyse
définitivement pertinents, des vérités
cachées, des détails qui illuminent le récit
premier. Pour se terminer éminemment par celui qui restera
le plus objectif : celui de la victime, point de vue parfaitement
féminin ; qui plus est celui d'une épouse lettrée
et femme de tête. Et Scott d'adopter astucieusement chacun
des nouveaux angles d'approche par de menus changements d'angulation,
par la reconstitution perspicace de détails invisibilisés
précédemment.
S'ensuit une œuvre définitivement passionnante -et
même de plus en plus passionnante au fil de la narration-
ayant pour divers thèmes la jalousie, les conflits d'intérêts,
les mœurs, le droit, la justice, la religion, la médecine
et même le plaisir féminin ! Et au final il n'y
aura ni héros ni vilains, mais des mâles arrogants
et pitoyablement patriarcaux, des interprétations fallacieuses,
une vision rabaissante de la gente féminine et le peu
de considération d'une société phallocrate.
Scott interroge ainsi la société contemporaine,
ce spectateur du 21ème siècle, en la comparant
à celle d'il y a 650 ans et en lui infligeant un constat
monstrueux : nous n'avons guère évolué
!!
Les trois acteurs rejouent les scènes avec toute la subtilité
qui est de mise pour épouser un nouveau regard sur chaque
séquences, jouant des détails afin de mieux contruire
un récit implacable : la scène du viol est absolument
significative, selon les personnages qui l'a raconte, et je
ne saurais vous inciter à en apprécier chaque
fragments (notamment celui très symbolique du soulier
de la dame...).
Le dernier duel est un hymne aux femmes et
un cri de rage envers une société soit-disant
évoluée qui se complaît dans les préjugés
les plus arriérés ; aussi puissamment que le fut
Thelma et Louise.
Et la conclusion d'être éloquente : à la
toute fin c'est bien le "mâle" qui sera acclamé
et qui sortira vainqueur.
Avec une petite gêne aux entournures, à la toute
fin : le générique aurait pu faire honneur à
J. Comer (exceptionnelle dans le film) en la mettant en avant
; avant les scénaristes-producteurs et stars malculines
du film...