Oui : à l'annonce de ce remake de l'un des chef-d'oeuvres
de la comédie musicale, je suis resté complètement
dubitatif ; y compris face à l'immense nom de son instigateur...
Pourtant West side story était en soit
un remake, en 1961... une adaptation (de la pièce de
Broadway), une relecture également.
Pourtant Spielberg faire taire mes peurs en l'espace de quelques
plans : son film sera audacieux, à sa façon, et
la magie va tout de suite opérer, au-delà du texte.
Via des images et une mise en scène extraordinaires.
Spielberg s'interroge sur la façon dont les réalisateurs
peuvent aborder la notion de remake : ici, dans la continuité
du travail de Wise et Robbins, il laisse beaucoup de place aux
acteurs, les accompagnants dans leurs numéros tout en
s'impliquant dans chaque plan. Le metteur en scène démontre,
si besoin était, combien la vision d'un auteur est essentielle
à une œuvre. Et le maître nous dévoile
le grand jeu, chaque scène méritant d'être
analysée en profondeur, insufflant une nouvelle force,
une nouvelle personnalité à chacune d'entre elles.
Il revisite chaque moment et le saupoudre de sa personnalité,
de sa vision, de sa touche unique : à l'image de sa manière
d' "extérioriser" la chanson "America",
tout en conservant ses codes scéniques (ce qu'il effectue
par ailleurs dans chaque séquence) ; rendant encore plus
symbolique les grilles et autres grillages mises en travers
des regards des deux amoureux sur le balcon. Spielberg s'avère
ici sans doute plus subtile que Wise (Cf. le travail sur les
éclairages lors du 1er dialogue entre Tony et Riff),
plus diversifié, accompagnant ses acteurs de façon
différente. Et tout cela avec beaucoup de génie
technique et une approche beaucoup plus réaliste, rendant
l'oeuvre moins "studio".
Le fond reste immuable : les luttes communautaires, la notion
évasive de nationalisme, le racisme inhérent à
chaque peuple, l'intégration des minorités et
une analyse juste de la délinquance : et cette fois campé
par des acteurs typés. Le scénario appuie là
où ça fait mal, changeant le focus du scénario,
des personnages, le contexte. Le scénario bouleverse
le rythme des scènes, modifiant la narration, la structure
du film en réécrivant subtilement le récit
sans en changer pour autant le fond.
On retrouve cet intemporel héros en rédemption
qui va trouver une nouvelle raison de se battre. Avec une trame
inspirée de "Roméo et Juliette", version
prolétaire, beaucoup plus féministe et contemporaine
: le premier baiser, le personnage de Rita Moreno, le garçon
manqué...
Et le plaisir de réentendre ces chansons que l'on a tant
fredonnées !! Le charme et la magie de l'original restant
intacts : derrière un conte sur une Amérique à
deux vitesses, rongée par le racisme et la haine de l'autre,
il en conserve toujours la même puissance dramatique qui
ravage nos cœurs, toujours les mêmes thématiques
qui semblent accompagner l'histoire de ce pays.