La plus grande qualité de ce film est de ne pas être
naïvement à charge contre une religion qui aucunement
ne cautionne, ni dans ses écrits ni dans son histoire,
des pratiques qui vont toutes à l'encontre de son message
et de sa morale. C'est un film à charge contre des pédo-criminels
qui renient leur conviction, ne s'assument qu'à demi
mots. Un film à charge contre des pratiques aussi illégales
que répugnantes, contre une institution faite d'hommes
aux valeurs morales vacillantes, fermant les yeux pour ne pas
être éclaboussés. Lorsque, suite à
cette affaire, on a pu entendre que certains croyants avaient
renié leur croyance (le reniement de leur foi en l'Eglise
est, lui, plus compréhensible) c'est que celle-ci ne
devait être ni sincère ni éclairé
pas plus que réfléchie. Être contre une
partie de l'institution me paraît évident : mais
la confondre avec le message de la foi catholique ou la croyance
est purement nonsensique et irréfléchi (et je
ne suis absolument pas catholique). Le message du film de Ozon
a une tout autre portée : dénoncer des êtres
hideux comme on en trouve -hélas- absolument partout,
autant dans l'éducation nationale, les clubs sportifs,
le domaine du social, les entreprises privées et tout
autre organisme, aussi laïque soit-il.
Derrières ces louables intentions se cache en fait une
oeuvre qui peine à avancer, à nous happer malgré
l'importance du sujet. Que nous apprend le film ? Quels éléments
nouveaux met-il au dossier ? Qui ne savait pas que les proches
des familles étaient parfois tout autant coupables (non
assistance à personne en danger) ? Que les prêtres
étaient simplement "mutés" ? Que les
victimes mettaient beaucoup de temps à prendre confiance
? Que la prescription bloquait le travail de la justice ? L'enquête
reprend simplement ce qui a pu être dit ici et là,
développé dans la presse, même elle a le
mérite d'en expliquer tous les mécanismes, avec
force de détails ; ce qui finit par donner de la puissance
à l'histoire.
Il est vrai que le format épistolaire / voix off, le
triple récit très chronologique qui narre le combat
d'une vie, ainsi que la réalisation sans doute un peu
trop posée, presque en retrait, ne nous aide guère.
Le film est en réalité un peu austère.
Intelligent, pudique mais austère : il manque par ailleurs
une chose essentielle à ce récit pourtant très
complet : on ne parle pas de la sexualité des prêtres.
D'aucun savent qu'ils doivent l'abstinence : le mariage leur
est interdit, certe, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne commettent
pas le "pêché de chair". Ce qui implique
que rien, abolument, strictement rien, ne saurait expliquer
ces abjectes déviances.
Je lui préférerai le plus cinégénique
et probant Spotlight.