Martie fait son Mission. Je l'admets : venant
de celui que je considère comme le plus grand réalisateur
vivant, je peux difficilement ne pas abdiquer devant la richesse
de la grammaire cinématographique une nouvelle fois employée
dans ce film ; fascinant jusque dans les moindres dialogues.
Ceci dit il est dommage que le film perde un peu pied avec son
scénario... Nous proposer en 2016 / 17 un choc des cultures
par le biais de la religion est particulièrement approprié
et intéressant. Soit. A travers le parcours de deux missionnaires,
tels les premiers apôtres, nous parler de la liberté
religieuse et des persécutions provenant de ceux qui
sont persuadés de détenir LA vérité
-et non leur vérité- reste d'une brûlante
actualité. Sauf que...
Sauf que le film, dans une première partie inutilement
étirée, tatillonnante et extrêmement contemplative,
nous laisse croire à un vrai manque de deuxième
niveau de lecture, loin du propos de départ ; de même
qu'à un manque d'approfondissement de la thématique,
qui ferait alors cruellement défaut au propos. A peine
ressent-on les thèmes de l'espoir ou du doute parfois
pointer le bout de leur nez. Le film ne fait qu'effleurer son
sujet, s'égare, même s'il trouve quelques trop
rares moments de grâce réflexives ça et
là ; lors des dialogues entre le prêtre et son
traducteur, ou le gouverneur. Riches dialogues qui tardent vraiment
à venir... Le scénario aurait, à mon sens,
dû basculer bien plus tôt, et la dernière
partie être traitée avec beaucoup plus de précision,
de détails.
Le basculement ? Les retrouvailles tant attendues avec le mentor,
son histoire et tout un film qui devient réellement riche
de... tout ! Posant de multiples questions pour aboutir à
une conclusion formidable : on ne peut ôter à l'homme
ce qu'il a dans le coeur. La religion comme une affaire de culture
? La non-universalité du monothéisme ? Le poids
de la conversion ? La force de la foi ? La sauvegarde d'un patrimoine
culturel et religieux ? Etc... Pourtant il reste quelques scories
scénaristiques sans doute dûes, comme je le disais,
à un traitement hâtif de la plus passionnante des
parties du film. Et on a également grand mal à
savoir sur quel pied danser ; d'un côté ces missionnaires
tentent d'imposer -en tous cas leurs prédécesseurs-
une religion à un peuple qui en possède déjà
une, ainsi que de longues traditions. De l'autre la réponse
hyper-violente des intéressés qui est proprement
démesurée et humainement intolérable. Pourtant
ce sont ces derniers qui vont garder le contrôle sur leur
culture, faire plier les bélligérants ; ou presque.
Dernière chose : le "silence" du titre me laisse
également perplexe... comment un prêtre apparemment
expérimenté peut-il interpréter ce silence
divin comme un abandon ? Comment un homme de science religieuse
peut-il voir Dieu comme une espèce de marionnetiste intervenant
dans les affaires humaines sur un coup de baguette magique ?
La réponse est peut-être dans cette scène
étrange où Dieu semble lui parler...
Il reste donc une impression d'inachevé derrière
un film qui traîne à se mettre en route, derrière
une oeuvre d'une immense beauté picturale (pour le coup
on pourrait la regarder en "silence", la contempler),
intéressante lorsqu'il s'agit d'évoquer l'histoire
du Japon et servie par un A. Garfield qui m'a encore plus bluffé
que dans Tu ne tueras
point, gagnant en mâturité de jeu
et semblant avoir amorcé sa transformation en acteur
de premier rang.