L'histoire d'un jeune homme amoureux qui s'en va pour la guerre
en Europe. N'importe qui à Hollywood en aurait fait une
romance ou un film de guerre classique, réussi peut-être...
Mel Gibson fait tellement mieux que cela ! Car le film possède
un thème central fort qui dépasse son argumentaire
premier : la violence. Si l'on se plait tout d'abord à
penser à des oeuvres comme Full metal jacket
(l'entraînement) ou encore Hamburger
Hill (dont la conclusion est radicalement différente
mais sur une thématique similaire), Gibson trouve sa
propre voix avec cette histoire vraie, symbolique, pas loin
d'être métaphorique (l'axiome père / guerre)
et d'une puissance rare. Car l'originalité de l'oeuvre
est bien évidemment son incroyable personnage principal,
patriote mais objecteur de conscience, qui souhaite participer
à l'effort de guerre sur le terrain, mais sans arme.
Sans violence.
Avant d'en étudier la thématique et toute la teneur,
saluons le travail fabuleux des artistes en présence
: le casting de haute volée, avec un tête un A.
Garfield qui prête formidablement son minois naïf
à ce soldat que l'on va voir évoluer au fil des
images ; deux autres mentions toutes spéciales à
deux autres contre-emplois phénoménaux : celui
du brillant V. Vaughn parfait dans la version moderne du sergent
Hartman, et celui du sous-estimé H. Weaving dont l'interprétation
toute en nuances du père mériterait amplement
une récompense. Saluons également le travail photographique
tout simplement éclatant, la musique toujours à
la pointe dans les oeuvres de Gibson (Celle de Braveheart
restera l'une des plus belles compositions de toute l'histoire).
Ne quittons pas le domaine technique sans évoquer le
maître derrière la caméra : sa réalisation
y est lyrique, expressive, et presque gothique dans son expressivité
de l'horreur ; le film en devient saisissant (la toute première
scène de bataille vous fera tressauter), apocalyptique,
terrifiant et parfois pas loin d'être insupportable. Car
Mel y dénonce la violence, la boucherie des conflits
armés et il n'hésite jamais à mettre les
bouchées doubles pour ce faire, non par plaisir purement
visuel, mais par dégoût.
Le film aborde ici, tout symboliquement, une nouvelle notion
de courage : il n'y pas de courage dans la violence semble-t-il
nous dire, en faisant référence à ce père
violent puisque plus fort que ces enfants ; avant que ceux-ci
ne grandissent et ne deviennent à leur tour plus forts
que lui. Bel exposé sur le sujet que de suivre cet homme,
idéaliste, fier, têtu et rebelle (comme nombre
de héros du réalisateur, W. Wallace en tête),
objecteur de conscience qui a suffisamment vu de violence dans
son existence pour l'abhorrer. Mais c'est également une
autre vision de la guerre, celle vécu par un infirmier,
présent non plus pour tuer son prochain mais pour soigner,
sauver des vies, peu importe lesquelles d'ailleurs. La réunion
de toutes ces thématiques débouche sur un héros
positif puisque pacifiste, un héroïsme non surrané
puisque toujours très actuel ; Gibson sublime ici ces
thèmes et les approfondit, livrant une oeuvre qui nous
prend aux tripes et trotte encore longtemps dans nos petites
têtes après sa vision.