Adeptes d'un montage "cut", passez votre chemin 
                  : The revenant n'est pas pour vous. Comment 
                  parler de cette oeuvre sans évoquer les deux choses qui 
                  font son immense force : son visuel et sa thématique. 
                  Car n'ayons pas peur des mots : si le film ne restera peut-être 
                  pas inscrit parmi les plus grandes oeuvres du 7ème art 
                  (mais il réclame une seconde vision, assurément), 
                  sa réalisation tient tout simplement du chef-d'oeuvre 
                  incontestable, absolu, tant il s'agit d'un travail d'orfèvre 
                  et de génie. Depuis le tourbillon des premières 
                  scènes, de très longs plans, quasiment séquences, 
                  qui courent au travers de l'action (un peu comme si Inarritu 
                  faisait le lien avec son travail sur le sublime Birdman...), 
                  qui nous plongent dans le film comme rarement et dans cette 
                  sauvagerie dont on va reparler, jusqu'à des scènes 
                  qui resteront à jamais gravées dans notre mémoire 
                  (celle de l'ours, je pense fera date : j'ai jamais vu quelque 
                  chose d'aussi époustouflant, bluffant et d'une sauvagerie 
                  sans nom). Inarritu nous gratifie d'un travail magistral, écrasant 
                  comme la nature qui laisse son empreinte sur toute l'oeuvre, 
                  un travail à la géométrie parfaite (Cf. 
                  les plans en contre-plongée, montrant les combattants 
                  sous d'immenses arbres). De plus toute l'oeuvre est illuminée 
                  (d'une lumière naturelle) et renversante, d'une beauté 
                  unique : à la fois celle de la nature et sa mise en avant 
                  par le travail incroyable effectué par le directeur de 
                  la photo pour exposer cet environnement d'exception. Je perd 
                  mes mots à vouloir décrire ces images et n'ai 
                  pas assez de connaissance en peinture pour pouvoir comparer 
                  ce que j'ai vu avec quoi que ce soit d'existant. Un chef-d'oeuvre 
                  visuel entièrement dédié à la gloire 
                  d'un Far West cru et cruel autant que d'un réalisme mémorable. 
                  Beauté formelle de chaque instant, magnificence qui ne 
                  nous lâchera jamais tout au long du film : si bien que 
                  l'envie me prend de le regarder sans le son. Ce qui serait vraiment 
                  dommage étant donné que la musique et ses violons 
                  conviennent parfaitement à notre immersion dans cette 
                  sauvagerie et la bande son est telle que j'intime tous les futurs 
                  spectateurs à y être particulièrement attentifs.
                  Le thème ? Le film nous interroge constamment quant à 
                  savoir qui du blanc américain, du soit-disant "sauvage" 
                  indien ou de la nature elle-même est le plus sauvage. 
                  Dans ce film, au-delà de cette violence, c'est la mort 
                  qui rôde à chaque plan, dans chaque scène 
                  : les cadavres, les fantômes ; mort qui, à l'image 
                  des rêves du héros, semble finalement apaisante. 
                  En mêlant différentes influences (Délivrance, 
                  Danse avec les loups, Mission, 
                  Le convoi sauvage et, pourquoi pas Le 
                  territoire des loups) il entend démontrer que 
                  la violence est partie intégrante de l'univers : seules 
                  les motivations diffèrent... Violence pour survivre, 
                  violence vengeresque, violence animale. Un film extraordinairement 
                  puissant, allant au rythme de la nature (l'eau des ruisseaux, 
                  plan qui ouvre et ferme le film, représente clairement 
                  le temps qui passe ; dans l'une des dernières images, 
                  l'homme passe dans le temps...). C'est un survival movie extrême 
                  (les conditions climatiques, l'environnement naturel et humain 
                  hautement hostile, l'état physique du héros et 
                  sa situation psychologique), une film d'aventure à l'état 
                  pure, une espèce d'antithèse absolu de Indiana 
                  Jones où seul plane la lithurgie fantasmatique indienne. 
                  Une oeuvre à la gloire de la nature toute puissante -nature 
                  et nature humaine-, pas forcément novatrice dans le fond, 
                  pas forcément très surprenante, pas tellement 
                  émouvante, mais formellement parfaite, et par ailleurs 
                  portée par un L. Di Caprio et un T. Hardy au sommet de 
                  leur art. Une oeuvre à la puissance inouïe, impressionnante 
                  comme trop rarement le sont les oeuvres de cinéma.