Voir un réalisateur aussi fulgurant et visuel s'attaquer
à ce qui semble être un sujet très intimiste
: voilà qui ne peut que m'intriguer. Et le résultat
est tout à fait à la hauteur de mes espérances.
C'est avant tout un film d'esthète et non une oeuvre
contemplative et paresseuse, de celles qui plaisent tant aux
journalistes de Télérama, un film fait de mouvements
subtiles et étudiés, un film fait de sons et de
bruits qui façonnent une atmosphère unique et
griffée, une ambiance créée avec le pinceau
; une réalisation pour le plaisir du regard mais des
images pour toucher nos sens et nos émotions, ne se pliant
pas à la gratuité même si l'auteur est un
peu dans l'esbrouffe lors des scènes de dialogues...
et encore : il faudrait une second vision pour s'attarder sur
ce genre de détail. La photographie et la musique sont
du même acabi, le montage joue sur deux niveaux : il est
à la fois sensuel et sait nous mettre très mal
à l'aise ; les transitions qui mettent en lien les personnages
en témoignent. Pour moi Stoker est en terme de mise en
scène un film idéal, ce à quoi devrait
tendre à ressembler chaque oeuvre issu du soit-disant
7ème art ; mais il est vrai qu'il y a derrière
tout cela un travail foisonnant et une réflexion intense...
Sur le papier on pourrait bien vite imaginer une variation sur
le thème du psycho-killer, façon "Le beau-père".
D'une part il y a un souci chirurgical du moindre détail
qui éloigne l'oeuvre de tout classique hollywoodien,
d'autre part c'est un film qui prend son temps, l'intrigue prenant
forme petit à petit, se mouvant dans l'étrange,
l'indécis et une finesse toute psychologique. Pourtant
on s'aperçoit qu'après une moitié de film
l'intrigue autour de l'oncle n'a guère évolué
dramatiquement, et la révélation finale n'a rien
de réellement bouleversante. Mais c'est un film qui ne
tourne pas autour du squelette de son scénario ; une
oeuvre symbolique et lynchienne, évoquant des aspects
complexes de la famille, avec des thèmes propres à
son auteur (la vengeance, la violence), une oeuvre qui provoque
une irrémédiable fascination.