Deux films pour le prix d'un... peut-être même
plus de deux. Mais commençons par le commencement : le
retour de M. scorsese après deux fictions ratées
et plutôt soporifiques, tellement éloignées
de son univers. Ici, il nous replonge dans la plus terrifiante
des ambiances, celle du côté sombre de l'âme
humaine ; claustrophobie, folie, maladie, dépression,
questionnement incessants, intrigue épaisse et à
plusieurs niveaux (le scénario est une pure merveille
!), atmosphère grisâtre et dépressive. Le
pitch du film, s'il pourra paraître trompeur à
la lueur du final, est déjà très excitant
: une enquête fédérale sur la disparition
mystérieuse d'une malade mentale sur l'île-prison
de Shutter Island. Mais tout s'embrouille très, très
vite ; des signes (un simple geste, un regard), des preuves
(un mot perturbant), des doutes (sur les personnages....), d'étranges
choses... et le film va basculer ; et ce ne sera pas la dernière
fois. Car dans ce scénario tout est important, et avant
toute chose ces personnages : leur destin qui ne sont pas forcément
celui que l'on croit, qui semblent se croiser d'étranges
façons, leurs traumas qui refont surface bizarrement
et s'imbriquent avec le présent. Car ce n'est peut-être
pas l'enquête qui est la plus importante après
tout... n'y aurait-il pas d'étranges choses qui se déroulent
à l'intérieur des mûrs de cet hopital psychiatrique
? Dans quel but ? Quels sont leurs liens mystérieux avec
ces enquêteurs ? Leur présence est-elle aussi fortuite
qu'elle le laissait supposer ?
Et je vous garantie que la conclusion est à la hauteur
; autant dans sa surprise que dans son aboutissement. Car même
avec un petit temps d'avance sur le scénario (malgré
des pistes fortement et intelligemment embrouillées),
le final restera un pur traumatisme cinématograhique,
de ceux qui vous donneraient presque envie de voir le film se
terminer plus tôt ; des images très, très
fortes pour un long cauchemar sans répit pour notre cerveau
(qui cherchera à déméler certaines pistes
avant d'en découvrir le fin mot) et notre âme (tant
on est à la lisière du fantastique, la mécanique
de la folie déteignant sur notre moi profond). Alors
le thème presque sous-jacent de la vengeance prendra
toute sa saveur, le puzzle s'assemblera logiquement et certaines
images retrouveront alors toute leur symbolique : la tempête
n'est autre que celle qui se déroule dans nos crânes
de spectateurs égarés et dans ceux de ces pauvres
internés, le phare n'est que la pierre angulaire du film,
celle qui viendra "éclairer" toute l'enquète
(n'est-ce pas l'ultime image du film ?). Une oeuvre à
mi-chemin entre Taxi driver (pour la folie et la vengeance)
et After hours (pour l'espèce de piège mental
dont on ne peut sortir). Une musique impressionnante. Un film
traumatisant et grandiose, pas très loin du chef-d'oeuvre.
(Deuxième vision) La deuxième vision de ce film
est aussi passionnante que la première, le film tout
aussi prenant : les dialogues prennent une toute autre saveur
(la description des tableaux dans le bureau du psy, les dialogues,
les rêves, les mots du prisonnier du bloc C...etc). Le
montage est terrifiant. La technique scénaristique imparable
: on nous met sur une piste puis on dévie sur une autre,
dans un deuxième temps ; chaque scène est construite
autour de ces deux axes et toutes ces scènes sont imbriqués
en un puzzle à entrées multiples. D'où
l'intéret et la lecture multiple. La réalisation
suffisamment évasive pour balader le spectateur. Le film
résiste à une seconde vision et c'est le signe
d'une grande oeuvre : je n'avais pas compris la fin et celle-ci
est... terrible... Chef-d'oeuvre.