Les nouveaux sauvages est sans doute taillé
dans le même bois que la saga des "Monstres"
de Dino Risi. Et quelle pu***n de scène d'introduction
qui donne le ton - et quel ton !- qui, hélas, laisse
même assez perplexe après les récents évènements
aériens... Qu'importe : il s'agit d'une fiction après
tout. Pour tout dire je m'attendais à une espèce
de Chute libre version espanisante, ce à
quoi fait immédiatement pensé le 4ème sketch,
mais c'est un film différent bien que tout aussi acide
et flirtant avec une judicieuse amoralité qui résonne
comme la seule réponse envers cette société
malade et violente ; un film qui argue du thème vaste
de la vengeance, des vengeances devrais-je dire, et de ses conséquences
sans pour autant verser dans une morale attendue et surtout
sirupeuse. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet laissez-moi
vous dire que ce qui nous saute immédiatement aux yeux
c'est la réalisation détonnante, pleine de finesse
et d'une inventivité constante de D. Szifron : une perle
visuelle, et sans doute ce que j'ai vu de plus beau et de plus
abouti en provenance d'Argentine. Un réalisateur à
suivre de très près, donc.
En substance voici le message du film : de tout acte négatif
découle des conséquences négatives (le
3ème sketch jusqu'au-boutiste est à ce sujet hautement
sympathique en rebondissements) et la bêtise humaine n'a
pas plus de borne que sa bonté et son sens du sacrifice
(Cf. les sketches n°2 et 4). Et c'est au travers d'une violence
jouissive et d'un humour décapant -cocktail extrêmement
explosif s'il en est- que le scénariste laisse le spectateur
seul juge des actes qui lui sont contés, posant simplement
les questions, suggérant seulement les réponses.
Par exemple, le 5ème sketch s'intéresse autant
à savoir si l'argent peut tout acheter (la réponse
y étant assurément positive, bien qu'il y est
un "mais") qu'à mettre en avant que la vengeance
irréfléchie est un acte de malveillance. Le film
ne condamne pas, n'incite pas, il suggère même
que parfois la violence peut être salvatrice bien que
très justement punie : le 4ème sketch est un vrai
monument ; un homme pris dans un engrenage social et administratif
"brazilien", un homme réaliste confronté
à l'injustice quotidienne d'une société
ultra-légiférée par des lois globalisantes
et étouffantes, un homme qui tente de se rebeller contre
un système où règne la justice de la pensée
unique. On touche ici au sublime. Impression qui sera définitivement
atteinte dans l'ultime sketch : indécemment intelligent
son argumentaire tourne autour du fait que, ici, la vengeance
réunie les deux ennemis puisque chacun y trouve son compte,
même sous la contrainte. Un film qui fait sienne quelques
idées évoquées par Rousseau, notamment
celle qui énonce que l'homme est fondamentalement bon
(seul, il lutte contre l'injustice) mais c'est la société
qui le pervertie ; une oeuvre qui lit dans nos coeurs. Et une
magnifique catharsis. Un petit chef-d'oeuvre et un grand moment
de cinéma.