Incroyable cette façon qu'à Wes Anderson de s'amuser
comme un fou dans ses films et d'être aussi communicatif,
simplement à l'aide de travelings bien sentis et savamment
étudiés (ceux du début notamment), de mouvements
de caméra pour ainsi dire burlesques, de changements
de plan complètement ubuesques, de plans qui en disent
long (plan de côté sur le visage de la fillette
qui lit) ; de plus le réalisateur s'adapte totalement
à l'époque où se déroule les évènements
: voyez ces zooms un peu grossiers et disgracieux, ces couleurs
délavées et sublimes, très technicolor,
qui nous transportent, ces décors absolument sublimes
et sublimés (voir le parallélisme des plans de
la maison des parents de la fille), cette musique éclatante.
Et puis Wes a le chic pour choisir ses acteurs : E. Norton est
complètement habité par son personnage de chef
de patrouille scout, B. Willis est égal à lui-même
mais son rôle de flic en dit long, Murray effectue son
passage de façon remarquable et tragique, et les enfants
sont tout bonnement parfaits dans des rôles très
difficiles. Quand à l'histoire... elle reste décalée,
formidablement drôle et tragi-comique : la love story
quasiment adulte de deux enfants perturbés cherchant
un équilibre dans ce monde, tel le ying et le yang (un
orphelin, l'autre pas), deux enfants autour desquels gravitent
une poignée d'adultes atypiques, touchants et gratinés,
à peine développés pour leur donner vie
sans faire d'ombre sur les véritables héros du
film. Moonrise kingdom est un film aussi violent qu'innocent,
très juste, sensible, dramatique, fou et décalé,
bourré de détails d'une précision aussi
extraordinaire que peu anodine (la vitesse à laquelle
un bateau part parait aussi peu naturelle que précisément
voulu par son métronome de réalisateur), plein
de clins d'oeil (La ligne verte, Titanic). Plus Anderson fait
des films et plus il s'améliore : Tenenbaum mettait en
place cet univers particulier et unique, La vie aquatique trainait
parfois la patte, Darjeeling paufinait son art et Mr Fox rompait
dans la forme mais confirmait sa signature. Cette fois le film
est aussi bon qu'une pâtisserie digne de ce nom.