Je viens de recevoir, avec Good kill, un immense
coup de poing dans le bide, une claque, une leçon d'une
grandeur inoubliable. Une oeuvre désormais essentielle
qui a l'audace ou l'intelligence -comme il vous plaira- de porter
ses COUILLES, soit exactement l'inverse du très surestimé
American sniper ; tellement
plus consensuel et mou. Un même sujet tellement plus abouti
et traité en profondeur ici. L'histoire d'un soldat qui
tue des dizaines de personnes chaque semaine que Dieu fait,
mais par drones interposés. Ce film est un enchevêtrement
de scènes immenses portées par des dialogues que
l'on entend rarement au cinéma ("les enfants qui
n'aiment pas le beau temps"). Car ici on soulève
le problème de la conscience humaine, on étudie
en détail cette guerre soit-disant propre, cette guerre
à distance. Une drôle de guerre moderne à
vrai dire, plutôt inspirée par les jeux vidéo,
des combats impersonnels, unilatéraux, déshumanisés,
finalement extrêmement lâches et aux conséquences
absolument terribles. Terribles pour ces ennemis, impuissants
face aux méthodes hypocrites et révoltantes des
têtes pensantes du gouvernement américain, méthodes
générant plus de mal que de bien : la rancoeur
faisant de ses attaques le nid du terrorisme, cela même
contre lequel elles sont censées combattrent ; mais terribles
également pour ces soldats obéissants à
des ordres abjectes et inhumains, actes qu'ils ne pourraient
se permettre de faire à mains nues mais que les nouvelles
méthodes de guerres rendent plus propres. Pas pour les
consciences. Hypocrisie suprême, les décideurs
ne sont pas aux commandes de ces consoles de la mort. Il est
important de noter que Good kill surpasse également,
et de baucoup, son concurrent, dans l'étude de cette
relation de couple, ce naufrage qui n'a ici plus rien de saynètes
hollywoodiennes mais résonne terriblement en nous (les
fameuses grandes scènes dont je parlais en intro, sont
également ici). Et sa réalisation est au scalpel.
Goog kill est un film courageux à bien
des égards, étonnant même : il crée
un immense malaise chez le spectateur, il ose dénoncer
la politique et les exactions américaines, et il va même
plus loin lorsque l'un des protagonistes ose faire une comparaison
incisive, traitant les actions militaires américaines
de "terrorisme". Ce qu'elles sont, vu sous cet angle...
Le film met en parallèle deux peuples qui au final ont
énormément de points communs. C'est une réflexion
profonde et aboutie sur l'intervention en Afghanistan, un drôle
de regard sur un peuple vu du ciel, de loin, sur la façon
dont on les juge, de loin, sur les relations des soldats avec
ce nouveau type de guerre et les dommages collatéraux
que ce format était pourtant censé, à l'origine,
éliminer définitivement. L'homme n'a décidément
pas évolué depuis les luttes sur les champs de
bataille et les invasions militaires au sol... Un non-sens,
une aberration.
Et c'est à l'issue d'une scène finale à
tomber sur le cul, bouleversante, que le film ose faire ce qu'il
n'avait encore oser : donner une solution à cet état
de fait, une solution que nous avions sous les yeux, tellement
évidente, presque bête : il suffit de ne tuer que
les gens qui font du mal. Putain que c'est con ! Car nous sommes
entré dans une espèce de cercle vicieux extrêmement
dangereux, de part et d'autre, où tout le monde est concerné,
les soldats autant que les civiles sur lesquels sont répercutés
les conséquences de ces actes. Que faut-il combattre
? La cause où la conséquence ? Qui fabrique ces
terroristes ? N'y-a-t'il pas une façon plus lumineuse
d'interpréter cette maxime qui régit le monde
depuis toujours : Oeil pour oeil, dent pour dent. Oh que si
: elle se nomme "justice". Des réponses existent,
encore faut-il savoir les lire avec le regard des gens qui réfléchissent...