Bribes et patchwork d'histoires, bribes et patchwork de cultures,
captant leur essence essentielle. Des bribes de vie amenée
à être relié entre elles, de causes à
effets, dans le drame.
Le nouvel ordre mondial ? Babel est un film
aussi brillant que bouleversant, de ceux qui laisse des traces
dans l'esprit des spectateurs. Tellement plus puissant qu'un
quelconque thriller -auquel il pourrait se réclamer-
conventionnel...
L'oeuvre plonge de riches citoyens dans l'univers de la pauvreté
des pays émergeants ; des enfants américains qui
se transforment en clandestins au même titre que les mexicains,
allant jusqu'à traverser symboliquement la frontière
à pied ; un couple qui va découvrir la délicate
façon de survivre dans l'insanité et l'insalubrité
du Maroc profond. Il est clair que les émotions sont
ici des émotions "inversées" : ce n'est
pas les enfants que l'on plaint mais la nounou dont les décisions
ont de terribles conséquences (les enfants s'en sortiront
forcément, puisqu'ils sont citoyens US...), ce n'est
pas la femme blessée pour qui l'on tremble mais bel et
bien pour les 2 enfants innocents dont le sort, la punition,
sera pire que la faute... bien pire... parce qu'il ne sont que
des citoyens marocains.
Inarritu explore le rapport "Nord-Sud" à travers
un scénario emprunt de la fameuse théorie du chaos,
une écriture somptueuse entre décalage, liens
jamais innocents et entrecroisements ; l'histoire en filigramme
d'une arme qui sèmera plus que la mort, le désordre
quasiment planétaire. Un film-miroir qui nous force à
regarder nos malheurs et celui des autres en face... d'ailleurs
le film est également hanté par le thème
de la mort, mort prématurée (celle du bébé,
celle de la mère, celle du fils...), mort que les personnages
devront dépasser afin de pouvoir continuer à vivre
: les parents à nouveau unis et retrouvant leur raison
d'aimer, la jeune fille qui apprend à vivre sans sa mère
-et à aimer son père, car c'est bien un père,
déculpabilisé, qu'elle recherche, pas un amant-,
le gamin qui se dénonce et se rend pour "sauver"
son frère.
Bien sûr on pourra ajouter à cette analyse une
dimension anti-arme évidente, une critique du journalisme
(en arrière-plan sonore) et de ses dérives sensationnalistes
et surtout la thématique des liens familaux et principalement
ceux qui unissent un père / une mère et ses enfants.
La réalisation est effectuée au scalpel : un travail
de chirurgien, d'orfèvre qui nous force à regarder
ce spectacle de désolation.