INTERVIEW
de Christophe MAZODIER, producteur de 2
days in New York & 2 days
in Paris |
"Quelle est ton histoire ? A 14-15 ans tu t'es dit : "je serai producteur de cinéma !" ? C'est toi, entre autres, qui as créé "Polaris films" je suppose ? Comment se lance-ton dans un projet pareil, avec quels aides ? En fait c'est presque ça. Je ne venais pas du tout d'un milieu
de cinéma et j'ai grandi en province, donc je n'étais
pas vraiment programmé pour ça. Et puis un jour vers 18
ans je suis tombé sur les mémoires de Selznick (producteur
d'Autant en emporte le vent) et je me suis dit
que c'était un métier d'aventurier formidable. Bon après
j'ai découvert que la réalité était quand
même assez éloignée de ce que lui avait vécu,
mais la graine était semée. Comment arrives-tu sur un film : c'est lui qui vient à toi sous forme de script ? Il t'est recommandé par d'autres producteurs ? Pour les projets, il n'y a pas de règle. Certain sont le fruit de rencontres fortuites, comme celle de Julie Delpy, d'autres ont comme point de départ des agents qui me recommandent des projets ou des artistes, comme avec Olivier Gondry, d'autres encore viennent par la poste, et d'autres enfin viennent complètement de ma propre initiative, ce que nous les français appelons "films de commande". Une fois le projet "approuvé" en quoi consiste exactement ton travail (c'est un aspect peu connu du grand public que le travail de producteur) ? Nous ne sommes pas aux USA, donc le processus ne conduit pas le projet
à être "approuvé". Il y a en gros quatre
étapes : d'abord on développe le projet, c'est à
dire qu'on cultive comme une plante un scénario avec son ou ses
auteurs, jusqu'à ce qu'on l'aime bien et qu'on puisse lui associer
toutes ses composantes artistiques (réalisateur bien sûr,
s'il n'est pas là dés le départ, acteurs principaux,
voire une part de l'équipe technique etc). Es-tu quelqu'un qui fréquente assidûment les plateaux de tournage ? Pendant le tournage, j'aime bien être au plateau. Non pas pour garder un oeil sur le metteur en scène, comme dans les clichés Américains, mais pour avoir la mémoire du tournage, c'est à dire savoir pour le montage, quand certains moments de grâce se sont passés. Par ailleurs, cela permet de rendre des arbitrages financiers le cas échéant, quand il y a des imprévus. Pouvoir juger si tel surcoût donne réellement une valeur supplémentaire au film ou pas, décider si le jeu en vaut la chandelle en quelque sorte. Il y a un débat, en tout les cas un vrai flou, autour d'une question : quel pourcentage des recettes en salles rapporte un film à son / ses producteurs ? En ce qui concerne le partage de la recette, en France en tous cas,
une entrée rapporte en moyenne 2,2€ au distributeur qui
garde tout tant qu'il n'a pas remboursé ses frais d'édition,
l'avance (le cas échéant) faite au financement du film,
et le tout majoré d'une commission allant de 25 à 35%. En regardant ta filmo j'y ai vu La traque : quand on regarde les scores catastrophiques des films de genre français n'est-ce pas un peu suicidaire d'en produire un ? (NB : j'admire ces réalisateurs qui restent dans le circuit malgré un box office qui ne penche pas en leur faveur ; heureusement que leur passion reste intact !) Le cas de La traque est particulier. D'abord, je n'étais que coproducteur de ce film. C'est Quasar qui l'a produit. Mais j'y suis allé parce que nous avons eu l'ambition de dépasser le public captif du genre. De faire un peu un film de genre "grand public". Par ailleurs, au début de la vague des films de genre français, sur le papier cela avait un réel sens économique, parce qu'il y avait une forte demande pour ces types de film sur toutes les chaînes spécialisées du monde, d'où d'excellents scores de ventes internationales, et de très bonnes ventes TV et DVD ensuite. Malheureusement, les échecs successifs des films de genre français ont quasiment tué le marché, et malgré l'excellente qualité du film, La Traque n'a pas été commercialement à la hauteur de nos attentes. Vague question : qu'est-ce qu'un bon film pour toi ? Un film dont tu te dis que tu aurais -si ce n'est fait- aimé le produire ? Quels sont les derniers films que tu ais vu et apprécié ? Ha ha, qu'est-ce qu'un bon film? Et bien d'abord en premier lieu c'est un film qui me plaît comme spectateur. Maintenant le spectre est large. Cette année par exemple, pour moi ça va de Tree of life à Intouchable en passant par Les neiges du Kilimanjaro. Un des grands critères pour moi est de surprendre, d'apporter quelque chose de nouveau. Ensuite, bien sûr, c'est un film qui atteint son équilibre économique et qui permet à tous de se payer des efforts consentis. Rien que cet objectif là est déjà dur à atteindre. Quel spectateur es-tu : spectateur lambda ou spectateur-producteur qui cherche la moindre ficelle dans un film ? Comme spectateur, je suis un mélange des deux. Quand les films
m'emportent, je les regarde sans me poser de question. Quand ils me
séduisent moins, je cherche à analyser ce qui plaît
quand ce sont des films qui marchent ou ce qui ne marche pas quand de
toute évidence il y a un problème. Mais c'est vrai que
je ne suis pas un analyste systématique, et je devrais le faire
plus, parce qu'au bout d'un moment, il faut bien produire des films
qui font des entrées si on veut durer. Peux-tu nous parler de tes projets actuels ? Dans l'immédiat, ma prochaine production est un court métrage, je devrais plutôt dire un film court, tant il est abouti. C'est un projet de Emmanuel Courcol, le scénariste de "Toutes nos envies" et de "Welcome", avec Grégory Gadebois et Julie-Marie Parmentier que nous tournons à Nantes à la fin du mois. En parallèle, j'ai plusieurs projets en développement pour la fin de l'année ou l'année suivante, dont le premier film d'Olivier Gondry et un thriller aux Philippines de Philippe Rouquier."
Merci infiniment Christophe d'avoir pris le temps de répondre à mes questions : et encore bravo pour le très beau succès de 2 days in New York ! |