Ne vous attendez à rien... seulement à avoir
peur ! Pas de révélations inutiles dans ces quelques
lignes (elles ne vous serviraient à rien de toutes façons...),
seulement l'analyse très technique d'un film également
très technique qui va merveilleusement à contre-courant
des grosses productions actuelles, le réalisateur-scénariste
se concentrant plus sur des personnages qui seront, eux, la
vraie révélation du film.
Tout d'abord le sujet : une communauté repliée,
isolée et en danger (le propre du film d'épouvante),
une oeuvre où la nuit à grande importance, où
l'on nous parle d'inconnu et d'inconnus - l'autre étant
celui dont on ne veut rien apprendre. Le cadre idéal.
Et le film est lancé : une intro qui aborde d'abord la
dramaturgie du film (le danger) et, ensuite, présente
les personnages, afin de plonger le spectateur dans le vif du
sujet sans lui épargner la psychologie nécessaire
à son adhésion. Car Shamalyan est avant tout un
scénariste de génie : il sait comme personne déplacer
notre centre d'intérêt et nous berner, il crée
la surprise là où on l'attend le moins, élague
l'héroïsme à la manière d'un Hitchcock,
trouve le parfait équilibre entre la description (la
dure vie de la communauté) et l'action (l'effroi), crée
la peur cinématographique la plus épurée
qui soit, sait être stressant et hautement intense. Il
brode des personnages forts, toujours au bord d'une certaine
folie inhérente à leur mode de vie, sans doute,
des personnages campés par des acteurs investis, ayant
foi. Et puis il y a un croisement brillant de thématiques
: cette communauté à la vie heureuse et insouciante
n'est en rien anodine... Shamalyan nous décrit avec brio
une forme aigüe de sectarisme, un puissant mécanisme
d'endoctrinement régit à la fois par la superstition
et maintenu par la peur, la peur de l'inconnu, de l'étranger,
d'une menace quasi invisible.
Shamalyan est également un prodige derrière la
caméra ; un sens du cadrage foudroyant qui vous colle
le nez à l'écran en multipliant les plans intrigants
mais jamais grossiers (la découverte des animaux morts),
en innovant pour mieux rebondir dramatiquement (la scène
de crime est une leçon de cinéma), en abordant
ses contre-plongées avec prudence et ingéniosité
(dans les bois, il laisse le spectateur les yeux rivés
au sol, sans échappatoire). A ceci s'ajoute une musique
(Newton) qui explore le cadre à la manière des
personnages, brise les a priori musicaux du genre, se plait
à innover et à rompre des rythmes donnés
pour y intégrer d'infimes bruits environnementaux. Et
on ne passera pas sous silence le montage carrément brillant
qui, au moins à 2 reprises, devient le moteur du suspens
en inversant malicieusement l'histoire sans le laisser paraître...
Notons, enfin, les couleurs et les lumières du film,
thématiquement jaunes, qui participent à ce sentiment
mélé de claustrophobie et de panique invisible.
Une oeuvre à l'atmosphère poisseuse qui, finalement,
parle beaucoup plus de mensonge que d'autre chose dans ce monde
isolé cherchant un peu puérilement à bâtir
un monde meilleur et surtout préservé de toutes
violences ; sauf que la violence les rattrapera indubitablement
dans la mesure où elle est inhérente à
l'espèce humaine...
NOTE : 17-18 / 20