Des tunnels, les années 80, une tempête annoncée,
une manif et des lapins ; une double histoire. Autant de pistes
pour comprendre le film ?
Filmer l'indicible peur, inhérente à l'espèce
humaine, est devenu une seconde nature pour ce réalisateur
passionnant qu'est J. Peele. Tout comme Get
out, Us est un film avec une vision,
pas une stupide machine à faire peur sans fond ni émotions,
mais une oeuvre réflexive qui préfère la
suggestion aux FX tapageurs, faisant appel à l'imagination
des spectateurs, l'impliquant dans le processus scénaristique.
Tout ici participe à l'étrangeté du propos
: un mélange de passé / présent, de surprenantes
répétitions, des signes et des symboles pas forcément
évidents, des événements qui soulèvent
l'incompréhension et le questionnement. Jusqu'en un concept
définitivement original : celui du Doppleganger.
Us est-il un film de "home invasion"
? Oui : mais il ne s'applique pas à singer le genre,
plutôt à se l'approprier et en faire un vecteur
réfléchi : faire évoluer le concept, garder
notre curiosité intacte et éveiller notre intérêt.
Si le scénario semble parfois se tourner vers des horizons
plus connus, dans ses ressorts dramatiques notamment, il s'en
tire haut-la-main quant à rebondir sur son sujet.
Avec son humour distillé, pince-sans-rire, J. Peele,
à la manière d'un D. Lynch, disserte sur la tranquilité
apparente des gens des suburbs, sur ses concitoyens américains
et leurs préjugés. Palme de l'originalité,
à cheval sur plusieurs genres mais au style unique, le
film n'est cependant pas une complète réussite
On a toujours l'impression que cet auteur ne sait trop comment
finir ses films (et c'est le même problème sur
certains épisodes de Twilight Zone -
bien que sur un sujet similaire je vous conseille l'épisode
8) : l'explication est trop saugrenue (Cf. Get
out) et le twist est vite compris pour qui reste
un tant soit peu attentif. Dommage car cette façon de
dénoncer la peur de l'autre (cet inconnu qui n'est qu'un
autre "nous"), cette façon brillante et d'une
intelligence foudroyante d'expliquer que notre pire ennemi n'est
autre que nous-même (Docteur Jekyll et Mr Hyde) : le film
aurait mérité être beaucoup plus avare en
explications... un peu de la manière dont certaines questions
restent partiellement éludée : pourquoi ces doubles
ne parlent-ils pas (ils sont imparfaits) ? Pourquoi usent-ils
de ciseaux (couper les liens ?) ? Pourquoi certains sont "abîmés"
? Pourquoi le port de ces vêtements typiques (ils sont
prisonniers de leur statut) ? Us est donc un
peu frustrant dans un paysage horrifique atrophié, envahi
de suites et remakes imbuvables au succès tristement
plus large : comme quoi les spectateurs n'ont pas bien compris
le message...
NOTE : 15-16 / 20