Délicieuse et brillante idée que ce conte en
forme de parabole politico-religieuse ; selon mon strict point
de vue. Dans un monde microcosmique qui n'est jamais bien loin
du nôtre, celui d'un simple tableau, vit une société
inégalitaire (se mettre devant un tableau et imaginer
la vie des personnages qui y sont peints, n'est-ce pas là
le propre de l'art ? En tous les cas la véritable réussite
d'une peinture se mesure beaucoup à ce regard là...)
; je disais donc : dans le monde imaginaire d'un tableau, le
scénariste nous dépeint une société
où certains êtres se sont auto-proclamés
parfaits et supérieurs car "terminés"
(les Toupins), où d'autres, les Pafinis, sont méprisés
car imparfaits physiquement, de même que les Reufs, créatures
seulement et grossièrement esquissées. Parabole
de la supériorité de la richesse, de la perfection
extérieure ou de la beauté sur l'intellect et
la richesse intérieure (matérialisée par
la "richesse" des couleurs, celle-là même
qui définie les diverses strates sociales), ce film est
pourtant bien plus qu'une simple ode à la tolérance
et à l'égalité. Il ne s'arrètera
pas à son idée de départ et se transformera
en une aventure éblouissante à cheval sur plusieurs
mondes, tous imparfaits, mélant les idées avec
tact et intelligence : la scène qui boucle le tableau
des petits soldats est somptueuse et tellement puissante de
simplicité ; les scènes avec la Mort sont également
magnifiques ; la conclusion est tout autant engagée que...
divine. Il développera les personnages au travers d'une
véritable quète où chacun y trouvera ses
réponses, d'un voyage initiatique pour chacun d'entre
eux (ramener la paix, ramener la vie, trouver des réponses).
Dans ma vision de cette métaphore, ce fameux peintre
tant recherché pour (re) mettre de l'ordre dans ce petit
monde ne peut être que Dieu (appelez-le comme vous le
voulez ou ne l'appelez pas, selon vos croyances personnelles),
le seul qui puisse ramener ce peuple vers l'harmonie de la vérité,
loin des préjugés, des haines "raciales",
des différences, de l'indifférence ; l'être
créateur et tout puissant dont on ne semble pouvoir se
passer. Ce petit monde étriqué n'est apparamment
qu'un simple miroir qui nous renvoie au nôtre et les réponses
que tant d'hommes attendent se découvriront à
la fin de cette petite perle d'animation : est-ce dans la recherche
de Dieu qu'ils trouveront des solutions à leurs problèmes
? Les hommes possèdent-ils déjà ces solutions
? Dieu n'est-il là que pour leur montrer leur propre
voix ? Une très belle réflexion, originale par
son angle d'approche et le maniement de sa thématique
: de l'incapacité des hommes à s'entendre en vertue
de leurs différences ; une éternelle question
de couleur, de barbouillage et de coeur. Un film qui se tourne
à la fois vers le déterminisme (l'homme est finalement
maitre de son destin... mais il se doit d'être aidé)
et le positivisme (plus qu'une banale happy end), la recherche
du divin, donnant des solutions qui permettront à tous
de s'y retrouver. Dieu n'y sera qu'un simple bâton de
pèlerin, mais sans ce bâton, personne n'aurait
pû avancer. Brillant, extrêmement ambitieux et fascinant.
Finissons sur le design incroyable de cette oeuvre, design qui
bouleverse radicalement les codes standardisés actuels
et, par la même, rebute la majeure partie d'un public
qui déteste être surpris et se fatigue vite à
devoir gratter au-delà d'apparences forcément
trompeuses ; il est temps de parler haut et fort de ce réalisateur
méconnu et absolument génial que je vous supplie
de découvrir par tous les moyens avant que l'industrie
du cinéma, plus orientée sur les bénéfices
qu'autre chose, ne l'enterre définitivement... et que
l'on perde un grand, un très grand.
NOTE : 15-16 / 20