Encore un routier de chez Corman qui rentre dans la cour des
grands, sauf que lui, il a mis 20 ans pour être reconnu.
Résultat : une merveille 5 fois oscarisée, adulée
par la critique et le public. Une histoire cruelle et vécut
de l’intérieur, une histoire de manipulation que
le jeu subtil de la réalisation (les regards…)
nous fait ressentir de façon vibrante. Car le travail
chirurgical de Demme est un modèle absolu de réalisation
: quand les plans dessinent les liens changeant entre les personnages,
leurs réussites psychologiques éphémères,
leurs ascendants et leurs défaites tout aussi soudaines
; comme une image de leur propre âme... Les personnages
sont décrits avec force de détails, ils possèdent
une personnalité effroyablement originale et passionnante
à étudier. Voilà un film qui séduit
notre penchant naturel pour le morbide, notre attirance pour
le mal, fascinant, implacable ; Anthony Hopkins trouve là
le rôle le plus marquant de son immense carrière,
un monstre aussi terrifiant que palpable. Même le compositeur
attitré de Cronenberg apporte sa contribution maléfique
à cette œuvre envoûtante : la froideur de
ses compositions donne au film une texture unique, inégalable,
magnifiée par une photographie glaciale. On nous parle
ici du rapport à la mort, celui de Starling (son enfance)
tout comme celui des tueurs en série ; mais également
du rapport de l'homme à la femme, déviant, omnipotent,
déséquilibré, comme un cri d'alerte envers
une société aberrante qui n'a toujours pas su
donner à la femme la place qui lui sied. Et le travail
scriptural est d'une immense finesse psychologique, chacun se
soignant de ses névroses comme il peut, couplé
à une enquête tout en délicatesse. Se dégage
de ces images et thématiques une ambiance cauchemardesque,
terriblement macabre, avec son lot de séquences inoubliables
qui font courir un frisson le long de votre échine ;
la retentissante scène de l'ambulance... Exceptionnel,
terrifiant : le plus grand film d'horreur est en réalité
une oeuvre profondément, terriblement humaine. Du grand
art et une belle leçon de Cinéma ; avec un grand
C.
NOTE : 19-20 / 20