Le compromis délicat entre le film d'auteur et le film
de studios : spectateurs, si vous êtes ici pour voir une
tornade cinématographique, un space opera dantesque ou
un film catastrophe de l'espace... vous allez êtes surpris.
Déçus ou agréablement surpris. Le passage
dans l'espace de l'auteur de Imitation
game n'est pas au final si étonnant que
cela : car les trailers vous ont joliment mentis ! Film d'auteur
avec des thèmes bien déterminés et dominants,
au décor un brin claustro magnifiquement sublimé
par la partition au diapason de T. Newman et un final qui dénoterait
presque par son énormité, rapport au reste du
film. Reprenons depuis le début.
Passengers est avant toute chose et durant
les 3/4 du métrage un drame humain, presque théatral,
se muant en une love story spatiale ; on pourrait aisément
imaginer la même histoire, sur Terre, dans un décor
minimaliste. Ne vous attendez pas non plus à voir des
personnages bergmaniens, un rythme lent et une oeuvre totalement
cérébrale. Il possède tous les ingrédients,
à leur juste dosage, du film grand public, film qui aurait
cependant et sans nul doute mérité d'être
un peu plus approfondi ça et là ; fun, humour,
folie latente, tendresse, amour, haine, questionnement... Le
film restera peut-être en surface mais conservera constamment
cette fraîcheur surprenante. Et c'est au moment où
survient le drame que nous avait caché la bande-annonce
que l'on comprendra qu'il s'agit en fait de la terrible histoire
de la solitude, mortelle solitude qui ronge les êtres
au point d'en faire des monstres d'égoïsme ; ou
des créatures incapables de vivre seules, sans leurs
congénaires, faussement asociables. Le film revisite
le thème des naufragés, des Robinson (de l'espace)
en y adjoignant une subtilité réflexive ; mais
sans verser dans l'évidence d'une relecture de l'histoire
d'Adam & Eve. De cet égoïsme va naître
un amour bancal, incomplet puisque basé sur un mensonge...
et chez le spectateur naîtra cette compassion nécessaire,
ce background qui unira les personnages à la fois sur
l'écran et dans leur coeur. Etrange sensation que l'on
pourrait analyser à loisir... mais pas sans spoiler le
film. Alors oui, le final et sa surdose de FX, de technicité
maladroite pourra paraître presque hors-sujet, cependant
il restera dans le ton puisque clôturant le drame par
une espèce de sacrifice, en tous les cas une rédemption
: mais j'ai peine à croire que le studio n'est pas mis
son grain de sel dans le scénario, histoire de donner
un peu de grain à moudre aux spectateurs trépidants.
L'histoire devient soudain un peu lourde à digérer
alors que jusqu'à présent le film était
en équilibre entre les dialogues et les rares moments
avec des FX grâtinés, le scénario prend
un peu à la légère quelques passages (la
combinaison incroyablement solide, un peu de chance, la mémoire
de l'héroïne infaillible au bon moment...etc) et
écrase un peu le précepte de départ. Finalement
l'explication de ce réveil soudain, on le sent bien,
n'est qu'une toile de fond qu'il faut bien finir d'accrocher
derrière la scène principale : une histoire d'amour,
l'exploration théorique de son fonctionnement, sa raison
d'être (amour forcé, au vue des possibilités
? Du drame ? Comment naît cet amour et pourquoi résiste-t-il
?). Et je ne renie surtout pas la toute fin : fausse happy end
parfaite qui laisse même aux spectateurs le loisir de
se poser quelques questions sur le fameux laps de temps.
C. Pratt et J. Laurence ne sont pas des acteurs d'exception,
mais ils font leur boulot et le font bien, Tyldum est parfaitement
à l'aise, et avec les scènes imposantes et avec
les scènes intimistes. Le décor est tel que l'on
s'y sent comme chez soi et l'oeuvre n'est pas avare de grandes
et impressionnantes scènes, telles que celle de la piscine
et toutes celles avec ce personnage robotisé, "Arthur".
Un film qui nous surprend ? Imparfait, un peu léger,
mais difficile de ne pas être conquis par une oeuvre qui
ne va pas du tout là où on l'attend.
NOTE : 13-14 / 20