Non Carpe Diem... Un film en forme de message asséné
à toute l'espèce humaine : tout du moins voilà
comment je l'ai compris. Passons déjà sur les
qualités techniques de l'oeuvre avant de rentrer dans
le vif du sujet. Car, finalement (et l'emploi de ce mot n'est
pas anodin), la première scène du film donne le
"la" de toute l'oeuvre : c'est une scène choc,
mais au sens psychologique du terme, rien à voir avec
ce que nous propose ad nauseam les actioners modernes. Elle
donne le tempo du scénario : réfléchi,
assez lent, sombre d'une certaine manière, mais surtout
porté par la réalisation douce, toute en légèreté
de Villeneuve ; un peu à l'image quasi obsessionnelle
de ces nuages, de cette brume, totalement métaphoriques.
La bande-son y est puissante, la musique parfaitement intégrée
dans le sujet ; et à partir de là on sait que
l'on a affaire à une oeuvre à part, au format
général assez inhabituel, tournée autour
de la réflexion, libre dans le ton, le rythme, les personnages,
loin des standards hollywoodiens auxquels je suppose qu'il sera
difficile de revenir après cette véritable expérience
autant sensorielle qu'intellectuelle. Oui : une expérience
rare et non formatée -ni parfaite d'ailleurs, réaliste
et magnifiquement déconcertante. Bande son incroyablement
fouillée et musique à l'avenant.
On part sur une oeuvre qui se veut être un hommage à
peine déguisé et moderne au travail d'un Champollion,
par exemple, ou mieux encore à Rencontre
du 3ème type ; et elle s'achève avec
sa propre vision de la tour de Babel. Travail qui semble être
le nerf, le moteur du scénario : qui sont ces extra-terrestres
? D'où viennent-ils et surtout que veulent-ils à
l'humanité ? Mais ne nous y trompons pas : le sujet nous
emmenera tout ailleurs, pas si loin, vers un héros d'une
certaine façon "messiaque" (ses facultés,
la révélation, son rôle déterminant,
son sacrifice...etc) et un message à l'ambition jamais
déguisé : la paix après laquelle court
l'humanité depuis la nuit des temps tourne autour d'un
élément essentiel... Il y a tout d'abord ce que
je nommerai la "Première partie" du message
délivré : inciter les gens à travers le
monde à communiquer, échanger, sans quoi on en
revient à éternellement faire parler les armes.
Apprendre à se connaître, connaître les autres
cultures pour mieux les appréhender, s'apprécier
et surtout apprendre à communiquer afin de laisser courir
la réflexion, ciment de la paix. Puis il y a la "Seconde
partie" du message, à travers ce qui est moins un
twist qu'une explication somme toute logique et dans la droite
continuité de l'histoire ; à travers l'intriguant
montage alterné qui n'aura de cesse de nous perturber
pour finir par nous faire comprendre que le film est une espèce
de boucle, et le cadeau des E.T. une clef pour nous ouvrir les
yeux, clef elle-même nécessaire pour que le message
soit délivré. La boucle / cercle étant
omniprésent dans le film, jusqu'à la forme même
du langage alien, la reprise de certains plans (début-fin).
Et en découle de toutes autres émotions : celle
de la découverte (la naissance d'un enfant) et celle
de la perte.
(Même si le coeur du sujet est révélé
à peu près à la moitié du film,
impossible pour ma part d'éviter les fameux Spoilers
!!).
Peut-être un petit peu dépassé par son ambition,
le film va paraître abscons à certains, voir vaseux
à force de trop réfléchir à ses
principes (le temps, la communication, la paix) : le message
que j'y ai lu y est pourtant clair (après 2 visions)
et vraiment présent dans sa très dense dernière
demi heure. Et il est le suivant : le but du film reste de savoir
pour quelle raison ces visiteurs sont venus sur Terre. La réponse
est qu'ils sont venus offrir une arme de paix à l'espèce
humaine. En tous les cas nous sommes en présence d'extraterrestres
non-violents et même pacificateurs, qui viennent sauver
l'humanité d'une fin proche (liée à ce
manque de communication) ; et le film délivre un formidable
message de paix. Mais pas seulement. La scène où
les dirigeants internationaux célèbrent l'unification
des peuples, scène qui montre aux spectateurs le changement
de point de vue du militaire chinois (très important),
est une scène essentielle dans la boucle scénaristique,
la réflexion sur le temps. Ainsi nous est-il suggéré
de profiter de l'instant présent, sans pour autant y
vivre essentiellement. Avoir une vision de notre avenir (et
même se rappeler du passé, dans le cas du militaire)
permettrait à chacune de nos décisions de s'en
trouver radicalement bouleversées. Mais je vais peut-être
chercher trop loin... Pourtant la future mère choisit
le bonheur d'avoir un enfant, même si ce bonheur sera
de courte durée ; elle profite de l'instant présent
dans l'hypothèse avancée et même assumée
d'une avenir sombre.
En tout les cas Premier contact possède
a minima cet avantage unique dont si peu de films peuvent se
targuer : celui de nous ouvrir tout un pan de réflexion
longtemps après son visionnage. Carpe diem, profitons
du présent, mais pas sans un regard tourné vers
le futur. Essentiel.
NOTE : 17-18 / 20