Peter Jackson est un conteur hors pair, tout à fait
digne d'un George Lucas en son temps ; auteur auquel le film
fait très ouvertement référence -entre
autres- avec des scènes rapellant vivement les batailles
de Hoth ou celle de l'Etoile noire, des engins qui s'apparentent
soit à une espèce de Barge, façon Jabba,
soit arborent un design proche du Slave 1. Et il est impossible
de ne pas penser à une espèce de Cité des
Nuages ; pas plus qu'à un moment clé de la trilogie
originelle, avec un plan référence on ne peut
plus clair.
Le sieur Peter partage avec son maître le goût des
univers tangibles, définitifs, gigantesques mais extrêmement
précis et détaillés, univers dans lesquels
on se fond avec un plaisir indéfinissable et maximum
; ce même plaisir que procure l'improbabilité première
de la science-fiction. Des décors d'exception dans lesquels
on rêverait d'aller flâner... un monde mad maxien
où les véhicules auraient été remplacées
par de véritables vaisseaux pirates, prêt à
aborder, et dont la composition interne et pyramidale se donne
de faux airs de Metropolis ; rien
que ça !
Mortal engines est avant toutes choses un
énorme film d'aventure, un projet XXL : cependant le
scénario ne fait pas l'erreur de s'appuyer exclusivement
sur une trame lambda et particulièrement limpide : la
recherche d'un objet convoité qui fera basculer le destin
du monde. On sait dès le départ -à force
d'explications tout azimut- de quoi il retourne et comment l'héroïne
fera échouer les plans du bad guy à la toute fin.
Le film ne se borne pas à ça, il se ramifie très
justement au travers d'une intrigue composée de diverses
strates, aux questionnement multiples, beaucoup profonds et
attrayants.
Parmi la pléthore de personnages, dont certains manquent
d'être suffisamment développés, notons que
le ton du film change quelque peu des Young adult novels classiques,
avec leurs erzats de "fermiers destinés à
sauver une fois de plus l'univers" ; parce que l'héroïne
ne court qu'après une seule chose : la vengeance. Mais
il y a surtout une créature qui fait littéralement
basculer le film : Shrike est tout particulièrement impressionnant,
effrayant et d'une densité psychologique rare, monstre
exceptionnel puisque fondamentalement humain, et par son passé
et de par sa nature. Son traitement est absolu prodigieux et
pas loin d'être émouvant (ce dont le film manque
un peu, il est vrai).
Dernier détail, mais non des moindres : le message du
film reste important ; l'Histoire est au coeur de l'oeuvre (celle
des Hommes, celle des personnages, celle de la Terre) et ce
cri d'alarme face à la répétition des moments
les plus sombres de l'humanité ne peut pas être
anodin.
Une fois de plus le génial Tom Wilkenberg nous offre
une composition magnifique, qui sait à la fois être
discrète quand il le faut, et intense la minute d'après.
Ca reste une première réalisation : avant tout
efficace, on y retrouve aucune patte ; elle est simplement pleine
d'emphase et de joie de filmer.
NOTE : 13-14 / 20