Une première scène qui vous happe, vous plonge
dans un film partant avec justesse d'un fait divers afin de
nous toucher au plus profond ; nous n'en saurons pas plus car
cette oeuvre maitresse va nous emmener là où on
ne l'attend pas forcément, laissant le fantastique s'immiscer
parfaitement. Réalisé de manière intense,
d'abord sur fond de paysages glacés puis marqué
d'une photo brunâtre, le film ne se permettra qu'une seule
véritable erreur de parcours : la voiture retrouvée
5 ans plus tard alors qu'elle est tombée dans un ravin
en bord de route. Car, même s'il n'est pas parfait, Mama
dépasse, et de très loin, le genre qu'il sert,
défiant les codes et aboutissant sur une oeuvre sensible,
à mille lieues des "films de monstres" habituel,
échappant à la caricature hollywoodienne grâce
à de brillants subterfuges, prenant le spectateur à
rebrousse-poil. Les personnages sont mâtures (J. Chastain
est parfaite en femme contrainte à héberger des
enfants alors qu'elle n'est pas faite pour la maternité)
et le scénariste à exactement compris ce qu'est
l'essence d'un film d'épouvante : car ici la peur naît
des scènes où il ne se passe pour ainsi dire rien.
Et puis le rythme du film est savamment étudié
: soutenu et intense sans pour autant devenir artificiel, telle
une vulgaire machine "à faire peur". Mais la
pièce maitresse de cette oeuvre est évidemment
la mama : un monstre qui n'en est pas un, original et pour lequel
on a vite une certaine empathie (comme ce que l'on a pu ressentir
pour le monstre de Frankenstein), une pauvre créature
blessée par la vie, une métaphore de l'amour maternel
qui en fait un monstre d'anthologie -que ne vient pas détruire
le fabuleux design. Ajoutez quelques détails essentiels
: une bande-son terrifiante et omniprésente, un sujet
terriblement fascinant et rarement abordé de façon
aussi subtile (la maternité, l'amour de ces enfants,
l'adoption), des enfants au centre des débats histoire
de fragiliser un peu plus le spectateur, un final extraordinaire,
d'une intensité rare, comme on n'en voit de moins en
moins dans ce cinéma formaté censé ne pas
trop brusquer le public. Un must.
NOTE : 15-16 / 20