Un Salaire de la peur post-apocalyptique.
Avant, j'étais blasé par les films d'action, leur
façon totalement artificielle de vouloir en mettre plein
la vue avec des effets trop spéciaux et de mettre le
réalisateur sur le banc (de montage) et le scénariste
sur un manège à sensation afin qu'il y puise son
imagination ; mais ça c'était avant Mad Max 4.
Faisons tout d'abord un peu d'histoire avant d'entamer cette
critique : G. Miller a donc réussi quelque chose d'aussi
rare qu'exceptionnelle, à savoir faire revivre une légende
du 7ème art, 30 ans après sa disparition dans un
épisode qui est sorti des mémoires... on sait
très bien que les suites à retardement ne sont
motivées que par l'appât du gain via de nouveaux
cinéphiles -fils de- ayant découverts quelques
vieilleries en DVD / Bluray ; mais on sait très bien
que ces motivations sont également des pièges
à retardement (les spectateurs oublient vite, l'argent
ne fait pas la qualité des films...). Et Miller a miraculeusement
réussi à éviter les mailles du filet hollywoodien.
Car ce Mad Max est tout sauf un produit made in Hollywood, d'une
part parce qu'il est majoritairement australien, d'autre part
parce que c'est un authentique film d'auteur (réalisé,
écrit et produit par l'auteur), et enfin parce qu'il
n'a rien d'un produit fabriqué sur la Côte Ouest
: son visuel est atypique, chiadé, excessif, les dialogues
sont décalés, le délire ne carresse jamais
le spectateur dans le sens du poil, la folie ambiante en fera
même fuir plus d'un. Car il s'agit réellement d'un
film de fou furieux !!!
Max Mad : Fury road est une oeuvre faite de bruits assourdissants
et de fureur pure et communicative, de poussière qui
assèche la gorge autant de de cette chaleur qui fait
transpirer jusqu'au spectateur, de cette force unique que l'on
ne voit qu'une fois par décennie sur un écran
autant que de douleur (une violence à l'état sauvage),
d'essence à s'en remplir les narines autant que de sang,
de sueur autant que de peur, de métal autant que de chair.
On ressort de ce film épuisé, lessivé comme
jamais, les oreilles encore emplies des vrombissements de ces
fantastiques véhicules, longtemps après la fin
de la séance, comme suite à un concert.
George m'a quasiment fait pleurer de plaisir en assistant à
son travail : le bougre n'a non seulement rien perdu de son
génie (quel réalisateur ayant débuté
dans les années 70 peut en dire autant ??? Tellement
peu) mais sa réalisation est absolument gouleyante :
certainement pas superficielle, le monsieur ne manque jamais
une seule miette des scènes qu'il crée, il en
fait même profiter pleinement le spectateur, abasourdi
par ce travail minutieux et vraiment inventif, l'impliquant
au-delà de l'entendement. Un bijou, une mécanique
suisse, un travail d'orfèvre autant que de passionné
furieux.
Poursuivons avec la technique avant d'aborder le fond : Max
Mad : Fury road bénéficie également d'une
photo d'un genre presque nouveau : clinquante, foudroyante de
couleurs et de poussière mélangées, d'éclat.
Les dialogues usent de mots totalement décalés
qui permettent de nous plonger dans cet univers que l'on apparenterait
à de la "future fantasy". Chaque véhicule
est en lui-même une véritable oeuvre d'art, une
pièce de musée que l'on rêve -en bon geek
que nous sommes- d'avoir dans une vitrine. La musique y est
torride, assourdissante, choquante, entre heavy metal et violons,
brisant les tympans autant qu'elle fait battre notre coeur à
tout rompre ; et les silences en sont d'autant plus impressionnants.
La bande-son est également et extrêmement très
travaillée, plaçant le pauvre spectateur exactement
au centre de cet univers et de l'action. Les FX sont discrets,
beaucoup d'effets de plateau qui réchauffent le film.
Et puis quel rythme : peu de temps morts (pas morts : utilisés
subtilement pour faire avancer le film), le film pose discrètement
de nombreuses pierres scénaristiques et ose même
de très légères touches humoristiques.
Hardy s'impose sans mal aucun comme un digne successeur de M.
Gibson et N. Hoult se révèle enfin.
Mais aussi impressionnant soit-il, les films d'action font souvent
pâle figure côté "littérature",
se rattrapant parfois à quelques bouts de ficelle. Pas
Mad Max. Même si d'aucun pourrait aisément lui
reprocher une certaine rectitude, je leur répondrais
que l'aller-retour à tout de symbolique : il faut connaître
d'où l'on vient pour savoir où l'on va... Et nous
avons aussi à faire à un scénario pointilliste,
qui avance par petites touches et suggestions. Nous avions laissé
Max dans un opus 3 où il se posait comme une espèce
de messie pour les survivants de la Terre ; le messie a cédé
sa place à un faux messie et un vrai dictateur (appropriation
des ressources, culte de la personnalité, gouvernance
par la peur...etc) qui promet à son peuple un paradis
illusoire puisqu'il s'agit d'un hypotéthique Walhalla,
éden viking que d'aucun a oublié... Max est donc à
la recherche d'un Paradis perdu, à la recherche de la
vie, de la source de vie, il est en lutte contre un "diable",
il est accompagné de "vierges" et d'une guerrière
investit d'une mission qui n'a rien à envier à
une Jeanne d'Arc. Il lui faudra donc destituer ce faux-dieu
pour trouver ce paradis pour les hommes. Mais (et ce n'est pas
un spoiler) la happy end de rigueur sera nuancée puisque
Max n'aura de cesse de courir pour échapper à
ses fantômes de plus en plus présent... Le film
prolonge brillamment l'univers madmaxien, sa légende,
l'explore plus en avant, s'enfonce dans les détails (les
différents peuples, le problème non seulement
de survie mais de vie et de repeuplement, les maladies...etc).
A ce titre les personnages sont incroyables, chaque freaks ayant
une histoire à raconter si bien que l'on a envie de s'attarder
sur autant d'entre eux, de le comprendre, comprendre sa situation,
son handicap ou sa folie. C'est un univers solide autant que
logique qui se déroule. Mad Max fait même montre
d'un certain féminisme : Furiosa devenant le pendant
féminin de Max, les "vierges" prenant part
au combat qui est le leur.
Mad Max : Fury road est un objet cinématographique rare,
surpuissant et hors norme comme on en voit un tout les 10 ans
; impressionnant, baigné d'une violence que l'on trouve
à chaque recoin de l'écran, dans chaque personnage,
plan, mouvement de caméra, véhicule, costume,
parole... Ce film m'a non seulement ramené à mon
enfance, lorsque j'ai découvert Max avant d'en avoir
l'âge, mais également à mes propres rêves.
Miller a frappé un très grand coup et il faut
ABSOLUMENT voir ce film, cet objet filmé comme aucun
autre, sur grand écran. Ou ne jamais le regarder... Mad
Max : Fury road a même largement dépassé
la pure qualité qui fit de Mad Max
un film unique.
NOTE : 17-18 / 20