La St Valentin, le désarroi amoureux d'un homme.
Il y a tout d'abord le côté descriptif de l'œuvre
de Gondry / Kaufman. Des personnages qui sonnent vrais, qui
résonnent en chacun de nous ; quand un intraverti tombe
amoureux d'une extravertie, quand une excentrique rencontre
un timide conventionnel, ça fait une belle histoire d'amour,
touchante et un peu rêveuse... sauf que le film, le véritable
film, ne débute qu'après un bon quart d'heure,
comme le signifie Gondry avec son générique un
brin tardif.
Car le film bascule, implose au bout de quinze minutes : le
récit explose, l'espace et la temporalité se meuvent,
s'effacent et, surtout, on découvre l'intrigue ambitieuse
développée par le scénario ; celle d'une
étrange société qui efface les mémoires,
afin de permettre aux gens de repartir à zéro...
Oublier le passé, plonger dans une âme, dans le
labyrinthe des souvenirs amoureux d'un homme, au sein des fragments
d'une histoire d'amour, des bribes d'une existence, au gré
de la déconstruction d'un univers intérieur. A
mi-chemin entre un improbable hyper-réalisme (la caméra
est à l'épaule, la photo un rien sale, les grandes
scènes dialoguées...) et le fantastique le plus
pur (les FX sont on ne peut plus discrets), ce film est un voyage
dans la mémoire d'un homme amoureux à qui l'on
efface les souvenirs et auxquels il va chercher à se
raccrocher... pour ne jamais oublier. Jamais . Eternal
sunshine of the spotless mind est ainsi un film-puzzle
qui fait abstraction du temps et de l'espace -la chronologie
étant rudement malmenée, les décors se
métamorphosant comme au théatre- et qui s'envole
lyriquement lorsque la mémoire disparait.
C'est une oeuvre bourré d'idées constructives
autant que visuelles, avec un petit côté "bricolé",
"fait maison", c'est une rencontre subtilement soulignée
par un réalisateur usant de procédés visuels
inventifs et intriguants, totalement maitrisés, frais
et surprenants, drôlement intelligents : à l'image
de cet homme qui n'a été vu que de dos et dont
on ne peut voir le visage, de cette rue en miroir infini, de
cette pluie intérieure...etc. Un oeuvre poétique,
libre et complètement folle.
Eternal sunshine of the spotless mind est en
réalité une étude poussée sur l'amour
: à travers l'histoire d'un homme malheureux en amour
qui va tenter de se construire littéralement avec un
histoire "toute faite". A travers cette histoire amoureuse
qui se reconstruit automatiquement malgré l'effacement.
A travers cette histoire d'amour qui lutte pour survivre à
l'oubli.
Peut-on réellement oublier un amour ? Des souvenirs heureux
? C. Kaufman nous dit en substance que la magie amoureuse qui
se crée à travers les souvenirs se répéterait,
même si les souvenirs se voyaient eux-mêmes effacés.
Que l'amour est unique et personnel, impossible à recréer
à l'identique chez deux êtres différents
puisqu'il n'existe nulle recette. Eternal sunshine of
the spotless mind est une ode à l'amour par
delà tous les concepts, comme le souligne si intelligemment
et poétiquement le titre... "La lumière éternelle"
Jim Carrey compose un rôle hors normes, hors cadre, avec
la plus grande attention et la plus improbable finesses et discrétion.
NOTE : 17-18 / 20