La cité des enfants
perdus est-il le travail le plus abouti de Jean Pierre
Jeunet et de Marc Caro ? OUI !!
Nous sommes immédiatement accueillis par des images chaleureuses
mais dont les teintes se reconnaissent entre mille : entre verts
d'eau et ocres.
De nombreuses gueules de cinéma pour camper des personnages
fantasques : un savant fou en son labo, des clones à la
recherche de l'être originel, des monstres de foire, un
homme sans rêves et des voleurs de rêves, des créatures
inédites (les puces sont de véritables chefs-d'œuvre
!) au sein d'un monde improbable et recroquevillé, dans
une cité de briques, maritime, écrasante et crépusculaire
où l'on se promènerait comme dans Venise ; le tout
coincé dans un passé illusoire (début 19ième).
Avec toujours cette inventivité diabolique, hystérique
et furieusement maligne, véritable marque de fabrique :
je pourrais d'ailleurs revoir la scène de l'incident en
cascade, sans ne jamais m'en lasser.
Il y a du Fritz Lang dans cette
Cité des enfants
perdus -visuellement-, du Gilliam de
Brazil,
du Jules Verne, du Oliver Twist, de la série B horrifique
(
Le cerveau de la planète Arous) ; le
tout passé au mixer des deux compères de génie.
Ils développent un univers extrêmement personnel,
d'une richesse foisonnante et dont le souci du détail donne
le vertige, un univers peuplé de fantasmes éveillés,
de rêves et de cauchemars, traversés de thématiques
puissantes et évocatrices. On y trouve des traces d'extrémisme
politique, de religiosité, de folie scientifique, de tout
ce qui fait un être humain déviant et notamment cette
peur de grandir, vieillir, et de devenir un être mauvais,
une créature laide. Mais le tout traité avec une
singularité rare, raffinée et pleine de trouvailles
qui viennent enrichir avec chaque images, avec chaque séquence,
la force du matériau d'origine et la solidité inaltérable
de l'histoire. La patte des deux auteurs déteint sur chaque
images.