Prenant pour assise La
jetée, l'incroyable court métrage
de C. Marker, L'armée des 12 singes
représente la SF selon T. Gilliam : un futur régressif
(celui que l'on imaginait dans la première moitié
du siècle dernier), policé, sale, jamais noble,
à l'imagerie atypique, avec ses petits côtés
"Brazil
(iens)".
Un homme du futur vient enquêter dans le passé
sur une pandémie qui a quasiment rayé l'humanité
de la carte. Un homme hanté par un rêve récurrent.
Il y a, à mon sens, deux niveaux critiques pour ce film
:
- Ceux qui ont vu La jetée
: pour qui les ingrédients scénaristiques rajoutés
pourraient paraître un rien artificiels, tout en considérant
ce film comme une œuvre à part entière. Ceux-ci
y verront des éléments rédhibitoires :
tout le monde se retrouve dans la scène finale explicative,
la séquence de guerre paraît un peu maladroite,
tout comme les prévisions futuristes et certaines scènes
de l’asile.
- Ceux qui n’ont pas vu La
jetée : la folie des grandeurs de Gilliam
sert parfaitement cet imbroglio, ce complexe temporel qui constitue
une réussite scénaristique indéniable :
Le thème du voyage temporel y est joliment tordu. Gilliam
offre une vision grand angle, oblique, biscornue presque cauchemardesque
qui nous renvoie à notre propre folie ; joyeusement bordélique.
Mention spéciale aux décors sublimes et tellement
originaux que l’on se sent transporté, aux acteurs
qui s'adaptent à merveille à cet univers très
particulier (Willis se régale et nous régale,
Brad Pitt compose un fou hystérique).
Un très bon film, bien que l’attention se relâche
parfois et parcimonieusement -son gros défaut étant
qu'il est très inégal. En sachant qu’il
est difficile d’égaler un chef-d’œuvre
voici une œuvre agréable / originale : d'ailleurs
L'armée des 12 singes prend une drôle
de tournure aujourd'hui, à l'aune d'une pandémie
mondiale.