Sur un sujet, et d'après un auteur (P.K. Dick), qui
me touche et m'interpèle tout particulièrement...
L'espèce humaine est-elle poussée par un irréversible
destin, un programme tout fait, un "plan" écrit
par un Patron, un Dieu ? Qu'elle est la part de hasard qui s'interpose
dans nos vies bien réglées ? Où est la
liberté et le libre arbitre ? Quels sont nos choix ?
Un film ambitieux qui ouvre nombre de questions, sans les traiter
trop frontalement et ne pas devenir un essai philosophique empâté
-et c'est la véritable force du film, celle de laisser
le spectateur réfléchir longtemps après
sa vision-, et sait trouver le bon équilibre scénaristique
au travers d'un ton résolument différent de la
production hollywoodienne, loin de cette fadeur ennuyeuse ;
au travers également d'un humour très fin et d'une
trame qui ménage l'étonnement du spectateur.
L'histoire d'un homme à qui on ouvre les yeux sur les
rouages du destin, les carcans d'une route apparemment toute
tracée, un homme qui essayera de multiples façons
de s'en écarter, de s'émanciper afin de trouver
sa liberté, celle que lui dicte son coeur. Le sujet n'est
jamais linéaire, on passe d'une parabole sur l'amour
(notre histoire d'amour était-elle une destinée
? Quelle est la part du hasard dans les rencontres ?) avec une
love story très puissante, d'une grande beauté
(l'abnégation) et absolument pas naïve -surtout
pas-, à une réflexion sur les choix que doivent
faire les hommes et leurs conséquences sur leur vie et
sur celle des autres (on pourrait évoquer les choix que
chacun fait entre vie professionnelle et vie privée,
amoureuse) ; le personnage principal n'est pas innocemment un
homme politique : un dirigeant qui dicte des lois, essaie de
faire changer les choses, prend des décisions qui peuvent
avoir nombres de conséquences sur la vie de ses semblables
mais à qui on dicte également sa conduite (le
choix de ses vêtements).
Une belle histoire de lutte contre l'absence de liberté,
de lutte contre un Dieu soit disant omnipotent et décideur.
Parfois on entre-aperçoit même une toute autre
parabole : sur l'écriture en temps réel d'un scénario
et ses conséquences sur le reste du film (la scène
de poursuite en est un belle exemple). C'est une oeuvre profonde
mais sur laquelle il ne faut pas non plus trop gratter la surface,
où quelques scories scénaristiques gênent
le bon déroulement du récit (la crédibilité
en générale, des détails un peu poussifs,
des conséquences hasardeuses), mais on ne peut nier une
impression globale très positive, celle d'assister à
un film vraiment équilibré entre le sensationnel
et la réflexion puisqu'il s'agit avant tout d'un film
sur la (les) croyances : les personnes religieuses étant
tentées de croire en un destin gouverné par un
être supérieur, les agnostiques en un pur hasard
qui déconditionnerait l'homme en lui laissant toute liberté
d'interagir sur sa propre vie, sur ses propres choix. Si tout
est écrit, pourquoi réfléchir à
nos actes ???
Sans vouloir prolonger le film de trop, l'omnipotence d'un Dieu
n'est en rien incompatible avec le libre-arbitre : ce n'est
pas parce que Dieu connaît le destin de chaque hommes,
ses choix, qu'il en est pour autant le marionnettiste. Les Hommes
restent libres de leur choix : Dieu sait...